Johnson & Johnson, spécialiste des produits d'hygiène, a été touché de plein fouet à Wall Street vendredi par la publication d'informations de presse, vivement démenties par l'entreprise, l'accusant d'avoir délibérément caché pendant plusieurs décennies que son talc contenait parfois de l'amiante.

À la Bourse de New York, le titre a plongé de 10,04 %, perdant au passage près de 40 milliards de dollars de capitalisation et accusant sa plus forte chute en une seule journée depuis 2002.

L'action a commencé à s'écrouler vendredi après la parution d'une longue enquête de l'agence de presse Reuters affirmant que le groupe a commercialisé des produits à base de talc qui, au moins entre 1971 et le début des années 2000, contenaient parfois de l'amiante.  

Les dirigeants de l'entreprise, des chercheurs, des médecins et des avocats, étaient au courant, mais ont délibérément choisi de ne pas divulguer cette information et de ne pas en référer aux autorités, ajoute l'agence en citant des documents internes.

Johnson & Johnson a réagi en qualifiant l'article de Reuters de « partial, faux et provocateur » et « d'absurde théorie du complot ».

Milliers de procès

« La poudre pour bébé de Johnson & Johnson est sans danger et ne contient pas d'amiante », assène le groupe dans un communiqué en mettant notamment en avant « les milliers de tests menés par J & J, les régulateurs, des laboratoires indépendants et des instituts académiques » ayant démontré l'absence d'amiante dans ses produits.

L'entreprise souligne également avoir « coopéré complètement et ouvertement avec l'agence de santé américaine et d'autres organismes réglementaires à travers le monde, en leur fournissant toutes les informations requises pendant des décennies ».

Johnson & Johnson affirme enfin avoir « toujours utilisé les méthodes disponibles les plus avancées » pour tester la présence ou non d'amiante.

L'affaire du talc n'est pas nouvelle pour l'entreprise, qui fait face depuis plusieurs années à une vague de plusieurs milliers de procès accusant le talc commercialisé par le groupe d'être à l'origine de cancers.   

En juillet, Johnson & Johnson a ainsi été condamné à verser 4,7 milliards de dollars de dommages et intérêts à un groupe de 22 femmes affirmant avoir développé un cancer de l'ovaire suite à l'utilisation du talc dans la toilette intime.  

Principalement vendu aux États-Unis par Johnson & Johnson comme de la « poudre pour bébé » dans un flacon en plastique blanc, le produit est aussi utilisé par les adultes pour contenir la transpiration et prévenir les irritations.

Image écornée

Le groupe américain, qui a fait appel, dément tout lien entre ses produits à base de talc et les cancers et souligne avoir gagné tous les appels déposés suite à des condamnations similaires.  

Les problèmes juridiques du groupe liés au talc « planent sur l'entreprise depuis plusieurs années », rappelle dans une note Damien Conover, l'analyste qui suit le groupe pour Morningstar.  

Pour les plaintes ayant déjà donné lieu à un procès, les décisions ont été pour moitié environ dans le sens de l'accusation. Mais elles devraient toutes faire l'objet d'appels, prédit-il.  

Et l'entreprise s'est déjà constitué une solide défense juridique au fur et à mesure de ces poursuites.  

Par ailleurs, confrontée à une situation similaire quand elle a été poursuivie dans les années 2000 pour des défauts sur des prothèses de hanche métalliques, l'entreprise est « parvenue à verser des milliards de dollars sans que cela affecte sa valorisation », relève le spécialiste.

« L'image de certains produits de l'entreprise pourrait en revanche pâtir » de la succession des diverses affaires, souligne-t-il.

L'analyste de Well Fargo, Larry Biegelsen, estime pour sa part que la chute de l'action vendredi est « excessive » au vu des implications juridiques éventuelles.  

Au pire, selon ses estimations, l'entreprise pourrait être amenée à verser 6,5 milliards de dollars au total aux plaignants, « ce que le groupe pourrait tout à fait gérer ».