Un étonnant regain d'intérêt de Warren Buffett pour le ciel aérien ravive l'appétit des investisseurs pour les titres des grandes compagnies d'aviation américaines comme canadiennes, ces derniers jours.

Le milliardaire américain est maintenant actionnaire des transporteurs nationaux American Airlines, Delta Airlines, United Continental Holdings et Southwest. Son conglomérat Berkshire Hathaway détenait au 30 octobre pour 797 millions US d'actions du numéro un américain de l'aviation, American Airlines, pour 249 millions US d'actions de sa concurrente Delta Airlines et pour 237 millions US de United, selon le dernier rapport d'initiés soumis aux autorités réglementaires fédérales. 

M. Buffett a lui-même révélé la prise de participation toute récente dans Southwest, au cours d'une entrevue au réseau CNBC, lundi soir.

Changement de stratégie

Il s'agit d'un revirement total pour le réputé gestionnaire de fortune qui avait décrit son achat d'actions préférentielles dans US Air en 1989 comme une « bêtise ». « Le pire secteur est celui à la croissance rapide, qui requiert un capital important pour engendrer de la croissance et qui ensuite gagne peu ou pas d'argent. Pensez aux compagnies aériennes », avait-il écrit dans sa traditionnelle lettre annuelle aux actionnaires, quelques années plus tard.

Warren Buffett n'a pas voulu expliquer son changement d'attitude à CNBC, mais il aura peut-être entendu Mark Yusko, président et fondateur de la firme Morgan Creek Capital Management, qui avait qualifié les actions de compagnies aériennes de « ridiculement peu chères », à la même antenne, cet été. Par ailleurs, la Deutsche Bank croit que l'industrie pourrait profiter d'un assouplissement de sa réglementation sous la présidence de Donald Trump.

Quoi qu'il en soit, l'annonce de ces investissements dans le ciel aérien a été saluée dans les échanges en Bourse : United Continental et American Airlines ont gagné respectivement 5,0 % et 3,1 % à la Bourse de New York, mardi, cependant que Delta a concédé presque tous ses gains de début de séance.

L'enthousiasme des investisseurs américains s'est par ailleurs généralement dégradé avec la légère correction du marché boursier hier.

Impact au Canada

L'appétence démontrée par l'investisseur en vue profite aussi aux transporteurs aériens canadiens. Air Canada, qui avait déjà bondi de 8,3 % après avoir pulvérisé les attentes des analystes pour son troisième trimestre, la semaine dernière, a ajouté 4,7 % mardi avant de replier légèrement à 13,18 $, hier.

Le transporteur montréalais, qui poursuit un plan de croissance énergique, figure désormais parmi les 15 compagnies aériennes qui transportent le plus de voyageurs dans le monde alors que le Canada ne figure qu'au 38e rang des pays les plus peuplés.

De même, WestJet, le féroce concurrent de Calgary, a gagné près de 4 % depuis le début de la semaine. Le titre du deuxième transporteur canadien en importance avait lui aussi le vent dans les ailes depuis l'annonce du deuxième bénéfice trimestriel en importance de son histoire, malgré le trou d'air économique que connaît sa province d'origine.

Le Groupe Transat fait exception. Le titre TRZ, en baisse de 26 % sur six mois, peine à se stabiliser ces dernières sessions. Le spécialiste montréalais du voyage poursuit son recentrage stratégique sur le marché des Amériques. Il a bouclé le mois dernier la vente de ses activités en France et en Grèce au numéro un mondial du tourisme, l'Allemand TUI, contre 54,5 millions d'euros.

La recommandation

Le milieu des analystes financiers se montre prudent quant au potentiel des compagnies aériennes canadiennes. La « tour de contrôle » s'inquiète notamment de l'arrivée prochaine de nouveaux transporteurs au rabais au pays à la faveur de l'augmentation récente du plafond de propriété étrangère des compagnies aériennes au Canada. Air Canada demeure par ailleurs le favori de la communauté financière, bien avant WestJet ou Transat, selon le plus récent coup de sonde de l'agence Thomson Reuters. Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, prévoit notamment une « surperformance » de l'action AC alors que les investissements en capitaux s'apprêtent à diminuer. L'analyste note néanmoins les craintes soulevées par l'ajout de capacité.

Infographie La Presse