Les marchés financiers savent reconnaître une aubaine, et la grande braderie de Bombardier a connu un tel succès - aux États-Unis particulièrement - que l'entreprise et ses courtiers n'ont pu s'empêcher d'en remettre pour près de 200 millions de dollars.

Moins de 24 heures après avoir annoncé une émission de bons de souscription de 750 millions, l'entreprise québécoise en difficulté a porté la taille de son placement à 938 millions. Le syndicat de preneurs fermes pourra également mettre 63,6 millions de reçus de souscription supplémentaires en circulation dans les 30 jours suivant la clôture du placement, si le prix est toujours avantageux, ce qui pourrait rapporter 141 millions de plus au trésor de Bombardier, pour un grand total de près de 1,1 milliard.

Les héritiers de J. Armand Bombardier, qui contrôlent l'entreprise grâce à leurs actions avec droit de vote multiple de catégorie A, s'en tiennent toujours à y investir près de 50 millions. Les bons de souscription sont échangeables contre des actions de catégorie B à un seul vote.

Les actionnaires se réuniront en assemblée extraordinaire le 27 mars afin de décider s'ils donnent le feu vert à l'émission. L'obtention de la majorité des deux tiers ne sera pas difficile à obtenir puisque la famille Bombardier, qui détient 58% des droits de vote, appuie la proposition. Autrement, l'entreprise s'engage à tout rembourser.

Ce type de transaction est connu comme une «prise ferme». Les entreprises vendent leurs actions, généralement à un prix inférieur à celui du marché, à un groupe de courtiers et banques qui les écoulent ensuite à des investisseurs privés, le plus souvent des investisseurs institutionnels qui apprécient de pouvoir obtenir de gros blocs. De cette façon, l'émetteur s'assure d'obtenir rapidement un montant convenu, tandis que les preneurs fermes courent le risque de voir le cours du titre baisser avant sa revente.

Prix d'aubaine

L'aubaine est bien réelle dans le cas de Bombardier. Le prix convenu de 2,21$ représente un escompte de 10% par rapport au cours de 2,45$ juste avant l'arrêt des transactions qui a précédé l'annonce de l'accord, jeudi après-midi, une demi-heure avant la fermeture de la Bourse de Toronto, et de 27% par rapport au prix d'avant l'annonce du plan de redressement financier. C'est aussi la plus basse valeur pour le titre depuis plus de 22 ans.

Les actions ordinaires de la multinationale ont fluctué entre 2,30$ et 2,55$ à la reprise des négociations en Bourse, hier matin. L'activité s'est apaisée avec l'annonce de la sur-allocation et probablement de l'appui du syndicat de prise ferme. Le titre B clôture à 2,40$, en baisse de 2% par rapport à la veille. Les actions privilégiées ont par contre nettement progressé.

Les investisseurs doivent jauger entre l'effet bénéfique de ce secours financier et l'effet de dilution de ces 424 millions de nouvelles actions qui viendront vraisemblablement s'ajouter au pot pour le partage des profits et éventuels dividendes. Bombardier a présentement 1,4 milliard d'actions de catégorie B en circulation.

La recommandation

Bombardier vaut entre 2,00$ et 3,50$ par action, selon la fourchette de prévisions des analystes encore habilités à l'analyser en toute indépendance. La moyenne est de plus de 3,00$. La division Transport de Bombardier vaudrait à elle seule au moins 2,75$ par action, selon une étude faite l'an dernier par Turan Quettawala, de la Scotia, peut être même 3,80$ suivant Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux. Les observateurs avisés conviennent par ailleurs que le placement est très risqué à ce stade de développement des affaires, avec un nouvel avion à homologuer, construire et - surtout - vendre.