Tous les manuels de gestion de portefeuille le disent. Vous devez diversifier vos placements. Et une partie de vos actifs doit nécessairement être investie dans des titres à revenu fixe, principalement des obligations de bonne qualité.

Mais les obligations du gouvernement du Canada venant à échéance dans 10 ans n'offraient plus qu'un rendement de 1,79% cette semaine. À ce compte, est-ce toujours une bonne protection?

Si les taux sont si bas, c'est dû à la crise européenne. Les investisseurs partout dans le monde se ruent vers les valeurs refuges, telles les obligations du gouvernement américain, et par ricochet celles du gouvernement canadien. Et les taux ont tellement plongé qu'ils sont maintenant inférieurs au taux d'inflation. Cela signifie que si vous investissez dans ces obligations, vous allez vous appauvrir avec le passage du temps.

Il ne semble pas logique pour un particulier de se contenter des taux actuels, admet Benoît Durocher, directeur général chez Addenda Capital. «Et c'est sans compter le risque d'une hausse des taux», ajoute-t-il.

C'est que lorsque les taux remonteront, la valeur des obligations baissera. Et plus les obligations auront une longue échéance, plus la valeur diminuera. «Comme les taux sont déjà très bas, il reste donc très peu de coussin de protection en cas d'une hausse de taux», dit M. Durocher.

Au cours des deux dernières années, le rendement total de l'indice DEX, qui est composé de toutes les obligations canadiennes, a été de 7,5% et plus, et ce, malgré que les taux d'intérêt étaient entre 3 et 4%. Cette performance provenait plus de l'appréciation du capital que des intérêts. Cela était possible parce que les taux baissaient encore. «En réalité, on empruntait sur la performance future», dit Jean-François Pépin, lui aussi chez Addenda Capital à titre de co-chef des placements.

Mais à partir de maintenant, deux choses peuvent se produire, selon lui. Soit que des taux d'intérêt très bas constituent une nouvelle réalité avec laquelle il faudra composer, ou soit que les taux remontent, faisant baisser la valeur des obligations, ce qui serait l'équivalent de remettre le capital emprunté.

Des obligations très chères mais essentielles

Une des maximes les plus répandues en matière d'investissement, c'est qu'il faut acheter lorsque les prix sont bas et vendre lorsqu'ils sont élevés. Et actuellement, les prix des obligations sont plus hauts que jamais. Une chose est sûre, c'est que les obligations sont maintenant une catégorie d'actifs très chère, explique Mathieu D'Anjou, économiste chez Desjardins. Acheter des obligations qui rapportent 2% signifie acheter un actif à 50 fois les revenus annuels qu'il rapporte. En comparaison, les investisseurs peuvent acheter des actions de banques canadiennes à 10 fois les bénéfices annuels, et dont le rendement du dividende à lui seul est de 4,5%.

Mais malgré cette période de taux d'intérêt très bas, des conseillers financiers chevronnés continuent de croire que les obligations constituent une catégorie d'actifs essentielle dans un portefeuille équilibré et bien diversifié.

Au 30 avril 2012, les obligations étaient la catégorie d'actifs la moins performante depuis le début de l'année, rappelle Guy Côté, vice-président à la Financière Banque Nationale. Le rendement de l'indice DEX était nul. «Mais demandez aux investisseurs qui avaient des obligations s'ils étaient heureux de leurs positions à la fin du mois de mai», ironise-t-il aujourd'hui. L'indice DEX a rapporté 1,86% pour le seul mois de mai, alors que les Bourses étaient en déroute.

Les taux d'intérêt vont demeurer bas pendant encore une bonne période de temps, croit Guy Côté. «Il ne faut pas quitter les obligations, bien au contraire», dit-il. Depuis le début de l'année, il privilégie une durée moyenne du portefeuille obligataire égale à celle de l'indice, soit 6,5 années.

Il suggère de détenir des obligations à court terme et d'autres à long terme, et d'éviter les obligations à moyen terme. Cette stratégie permet de profiter des meilleurs taux grâce aux titres à long terme, tout en limitant le risque grâce à celles à court terme. Les titres à court terme permettront aussi d'investir dans de nouvelles obligations à long terme lorsque les taux remonteront et qu'elles seront plus attrayantes.