Attention de ne pas entretenir des attentes trop élevées. La crise européenne est encore bien loin d'être réglée et elle constitue toujours le risque le plus important pour les marchés financiers.

Mathieu d'Anjou, économiste principal chez Desjardins, suggère aux investisseurs tactiques, c'est-à-dire ceux qui n'hésitent pas à modifier fréquemment leurs portefeuilles en fonction des conditions des marchés, de profiter des occasions pour réduire leurs positions. Quant aux investisseurs plus passifs, étant donné la volatilité actuelle et la difficulté de synchroniser le marché, ils devraient demeurer sur les lignes de côté, croit-il.

Hier matin, des dirigeants allemands sont venus refroidir les ardeurs des investisseurs qui avaient permis aux marchés boursiers de s'améliorer de plus de 11% au cours des deux dernières semaines. Steffen Seibert, principal porte-parole d'Angela Merkel, a déclaré au cours d'un point de presse à Berlin: «Les rêves de voir la crise terminée la semaine prochaine ne pourront pas se réaliser.»

Ces propos ont eu l'effet d'une douche froide sur les marchés boursiers qui ont reculé de 2% durant la journée.

En affirmant conjointement le 9 octobre qu'ils allaient présenter aux dirigeants européens le 23 octobre à Bruxelles un plan afin de régler la crise des dettes souveraines, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy avaient créé de grandes attentes chez les investisseurs.

En fin de semaine dernière, au cours d'une réunion préparatoire à la rencontre du G20 les 4 et 5 novembre, les ministres des Finances et les banquiers centraux avaient appuyé les efforts des dirigeants européens, tout en les pressant d'agir de façon décisive le 23 octobre. Timothy Geithner, Secrétaire au Trésor américain, et Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, avaient affirmé publiquement que les éléments du plan concernant les dettes souveraines et une recapitalisation des banques étaient les bons moyens et qu'ils seraient suffisants s'ils étaient mis en place complètement. Mais le seront-ils?

Les marchés reconnaissent l'ampleur du problème grec

Au coeur du problème, on retrouve toujours la question de l'effacement d'une partie de la dette grecque. Un plan prévoyant d'effacer 21% de la dette avait fait l'objet d'un accord avec les créanciers en juillet.

Mais on sait qu'à long terme, ce ne sera pas suffisant, explique Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. Pour régler le problème, il faudra effacer de 40% à 50% de la dette grecque, selon lui.

Le marché des obligations grecques confirme d'ailleurs que les investisseurs craignent une opération de cette ampleur. En effet, les obligations de deux ans dont la valeur nominale est de 100$ se négocient actuellement à 40$, note l'économiste de la Financière. Et contrairement aux marchés boursiers, elles ne se sont pas améliorées du tout au cours des deux dernières semaines.

Pour permettre d'effacer la moitié de la dette grecque, il faudra recapitaliser plusieurs banques européennes étant donné les pertes qu'elles subiront. C'est sur cette question que les opinions diffèrent le plus. Comme on ne peut pas espérer que l'argent provienne de fonds privés, on doit envisager de recapitaliser ces banques par des prêts consentis par le FSEF.

Plusieurs intéressés avancent qu'une telle opération ne peut être mise en place qu'à la condition de s'attaquer à l'ensemble des dettes souveraines, et non pas seulement à celle de la Grèce.

Pis encore, Josef Ackerman, président de la Deutsche Bank, s'oppose carrément à la recapitalisation des banques avec de l'argent provenant de l'État. «Cela ne ferait qu'aggraver la dette des États», disait-il pas plus tard que le 13 octobre.

Banquiers et politiciens semblent encore bien loin de s'entendre sur une solution globale. Dans ce contexte, il est souhaitable que les investisseurs tempèrent leurs attentes en vue de la rencontre de Bruxelles samedi et redoublent de prudence quant à leurs placements, croit Mathieu d'Anjou.