La Banque de Montréal n'a pas hésité hier à augmenter les taux de ses prêts hypothécaires, même si les taux des obligations américaines et canadiennes de longue échéance (10 ans, 30 ans) ont légèrement diminué hier dans la foulée de la crise de solvabilité irlandaise.

Ses taux de tous les prêts fermés venant à échéance dans un à cinq ans grimpent de 15 à 25 centièmes. Les taux des prêts ouverts ou de plus longue échéance restent inchangés.

Des deux côtés de la frontière, les taux obligataires ont pourtant reculé de deux à cinq centièmes, hier, selon les échéances, alors que les principaux indices boursiers reculaient de moins de 1%.

«L'Irlande n'exercera pas de tendance profonde sur les taux nord-américains, juge Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Banque Nationale. Le sept décembre, on connaîtra le plan budgétaire et ça risque d'être crédible.»

En fait, les taux obligataires canadiens ont perdu de leur dynamique propre depuis que la Banque du Canada a choisi d'interrompre la normalisation de son taux directeur, le 19 octobre.

«Pour quelque temps, l'évolution du marché obligataire canadien sera le miroir de celle du marché américain», poursuit M. Pinsonnault.

Les experts s'attendent à ce que notre banque centrale ne serre pas la vis du crédit avant le printemps, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) ne touchera pas au taux des Fed Funds avant 2012 au plus tôt.

Cela dit, les taux sur les obligations à longue échéance se sont remis à monter depuis l'annonce par la Fed de l'achat de la dette américaine jusqu'à concurrence de 600 milliards d'ici l'été.

C'est sur ces marchés que les banques se financent.

Les investisseurs ont été d'abord déçus qu'elle en achète si peu (Goldman Sachs avait fixé la barre à 2000 milliards) et qu'elle vise surtout les échéances moyennes de cinq à sept ans. Cette fourchette de taux correspond aux échéances des emprunts des entreprises.

Les investisseurs ont ajusté en conséquence leurs portefeuilles en larguant une partie de leurs obligations 10 et 30 ans, poussant leurs taux à la hausse.

Ainsi, les 10 ans américaines ont commencé l'année avec un taux de 3,82%. Il a grimpé jusqu'à 3,99%, début mai, avant de redescendre jusqu'à 2,79% en août et 2,38% en octobre, dans la foulée de la crise grecque et des craintes d'une rechute en récession de l'économie américaine.

Durant ces mois, quelque 500 milliards investis dans des fonds d'actions ont migré vers les fonds obligataires.

Les craintes s'apaisent depuis, toutefois, à la faveur de données un peu plus encourageantes. Les taux des 10 ans américaines devraient franchir la barre des 3% vers la fin de l'année.

«Nous croyons que la reprise va mordre d'ici 12 mois, affirme Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez valeurs mobilières Desjardins. Les ménages vont se remettre à consommer comme en 2002-2004 avant qu'on ouvre les vannes du crédit à la consommation.»

Il croit en outre que l'attrait des marchés boursiers suscité par la confirmation de la reprise va amener les détenteurs de la dette américaine à exiger meilleure compensation du risque de la détenir.

Cela ne peut que pousser à la hausse les taux des obligations à long terme. À moins qu'après la Grèce et l'Irlande, l'Espagne, qui représente 7% du PIB de la zone euro, ne chancelle à son tour.