Au Monopoly, les joueurs qui pigent la carte malchanceuse vont directement en prison, sans passer par Go et sans toucher 200$. Peu importe! Ce n'est qu'un jeu dont le but est de ruiner ses adversaires à coups de transactions immobilières.

Or, les investisseurs n'ont guère eu la partie plus facile à la Bourse, depuis 10 ans. Ils ont été frappés par l'explosion de deux bulles spéculatives, celles des technos en 2000, puis celle de l'immobilier en 2007.

Ils ont essuyé deux corrections boursières d'une ampleur jamais vue depuis les années 30. Ils ont dû composer avec la pire récession depuis la Grande Dépression.

Et puis la crise du crédit a ébranlé leur confiance dans Wall Street, confiance qui avait déjà minée par les scandales comptables (Enron, WorldCom) et les fraudes boursières (Lacroix, Madoff).

Une décennie plus tard, quelques bandits de la finance sont allés directement en prison, certains dirigeants d'entreprise ont empoché des milliards en boni... et les investisseurs se retrouvent à la case départ.Décennie rouge

En effet, la Bourse américaine est dans le rouge depuis 10 ans. Une situation rarissime. «La seule fois où l'on a vu des rendements négatifs sur une décennie, c'était lors de la Grande Dépression», rapporte François Landry, chef des placements au Groupe Fonds des professionnels.

Dans les années 30, la Bourse a encaissé un rendement négatif de 3,6% par an. Mais par la suite, la performance a toujours été positive... jusqu'aux années 2000.

Au cours des 10 dernières années, l'indice des 500 plus grandes sociétés américaines a perdu 1% par an, en incluant les dividendes. Pour un Canadien, le rendement annuel composé total du S&P500 a été encore plus déprimant (-4%), compte tenu de la dépréciation de la devise américaine.

Même scénario en Europe et au Japon, où les investisseurs canadiens ont aussi été perdants sur 10 ans.

En fait, il valait mieux rester cantonné au Canada, au cours de la dernière décennie. L'indice S&P/TSX composé a livré un rendement annuel composé total de 5,6% au cours de la dernière décennie.

Très concentré en ressources naturelles, le Canada a profité de la soif des pays émergents pour les matières premières. Car les années 2000 ont été la décennie des pays émergents. En Chine, en Inde et au Brésil, les Bourse ont explosé de 10 à 15% par an.

Et maintenant?

La bonne nouvelle, c'est que les Bourses occidentales débutent la nouvelle décennie sur des bases plus saines qu'il y a 10 ans. «Au tournant du millénaire, l'évaluation boursière était stratosphérique. On a payé pour cela très, très, très longtemps», constate Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux.

Au début de 2000, le cours des actions équivalait à 30 fois les bénéfices des sociétés américaines. Ce ratio cours/bénéfices a fondu jusqu'à 6-7 en mars dernier, au plus fort de la crise de crédit. Depuis, il est remonté à 14, tout près de sa moyenne historique.

«On repart la décennie sans une épée de Damoclès au dessus de nos têtes», dit M. Delisle.

Mais les Bourses font aussi face à des défis. «L'endettement des gouvernements équivaut à 100% du produit intérieur brut (PIB). C'est beaucoup! Et la population vieillit en Occident», rappelle Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale.

À long terme, cela freinera la croissance économique.