Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Norman Raschkowan, de la Financière Mackenzie...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse? Les résultats de Research in Motion cette semaine démontrent que même les sociétés de premier plan font face à des défis importants. Le fabricant du Blackberry a réalisé de bons profits, mais ses revenus étaient décourageants. Dans l'ensemble, les analystes financiers s'attendent à ce que les sociétés haussent leurs profits de 25 % en 2010. Selon moi, l'augmentation sera plutôt de 10 à 14 %, car nous aurons une reprise économique modérée (2 ou 3 % de croissance) en Europe et en Amérique du Nord. La raison? Les consommateurs sont en train de réduire leurs dépenses. Même si leurs revenus grimpent de 3 % l'an prochain, ce sera contrecarré par la remontée du taux d'épargne vers des niveaux historiques (5-6 %).

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Ce qui compte le plus, c'est la confiance des consommateurs. Si la confiance remonte, cela nous forcera à augmenter nos prévisions sur le niveau des dépenses. Les montants énormes qui dorment dans les fonds de marchés monétaires, sont un autre élément important à surveiller. Au fur et à mesure que la confiance reviendra, les investisseurs vont réinvestir dans des actifs à plus long terme, ce qui créera une demande très importante pour les actions et les obligations. Cela pourrait amener des gains impressionnants pour les actions (8 à 10 % en 2010) même si les profits des sociétés n'augmentent pas autant que prévu.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'investirais 20 % dans les actions de pays émergents qui ont beaucoup de potentiel, car la relance économique là-bas sera très forte. Je ne choisirais pas uniquement les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) mais aussi d'autres pays qui ont une économie plus stable comme la Corée, la Malaisie ou l'Indonésie. Je mettrais 10 à 20 % en obligations à rendements réels qui offrent une protection intéressante contre les risques d'inflation, ainsi que 20 à 30 % en obligations de sociétés de haute qualité, qui versent un rendement plus élevé et qui offrent un bon potentiel avec l'amélioration de l'économie. Pour le reste, je privilégierais des actions de sociétés de haute qualité susceptibles de relever leurs dividendes. Au Canada, j'irais vers les banques ou des titres comme Shaw et BCE. Aux États-Unis, j'opterais pour des multinationales, qui seront moins sensibles à une baisse du dollar américain ces prochaines années, comme IBM, Microsoft ou Dell.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations gouvernementales ne sont vraiment pas intéressantes. Je suis prudent avec les actions des assureurs, à cause des risques que présentent leurs investissements dans l'immobilier commercial qui est encore en crise. Et de manière générale, je considère que les actions des sociétés plus sensibles à la relance économique sont surévaluées par rapport à celles des sociétés plus stables et défensives.

Quel est l'élément que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Tout le monde met l'emphase sur la Chine comme nouveau moteur de l'économie mondiale. Mais la relance dépend des politiques du gouvernement et de son plan pour stimuler la croissance économique. Si l'État décide de ralentir, de resserrer le crédit, ce sera difficile, en particulier pour le secteur des matières premières et de l'énergie.

Après 27 ans de carrière chez Standard Life, à Montréal, Norman Raschkowan s'est joint à la Financière Mackenzie, en 2007, à titre de vice-président exécutif et chef des placements. Mackenzie est l'une des plus importantes familles de fonds communs au Canada, avec 34 milliards d'actifs sous gestion.