Le président et chef de la direction de Québecor presse Ottawa d’intervenir dans ce qu’il appelle une entente « anticoncurrentielle » entre les Compagnies Loblaw et le détaillant de services de télécommunications Glentel qui mettrait fin à la présence de Freedom Mobile dans les points de vente du géant canadien de l’alimentation.

Dans une lettre en date du 9 mai adressée au ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et vue par La Presse Canadienne, le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, allègue que Loblaw « a pris la décision de mettre fin de façon prématurée » à un contrat d’approvisionnement entre les kiosques en magasin de la chaîne, connus sous le nom de The Mobile Shop, et la filiale de télécommunications Freedom Mobile.

M. Péladeau indique que l’épicier s’associe plutôt à Glentel, qui appartient conjointement à Rogers Communications et à Bell Canada et qui exploite des magasins tels que Wireless Wave et Tbooth Wireless.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de l’Industrie François-Philippe Champagne

Le haut dirigeant de Québecor avance que Loblaw présente cette décision « comme un simple choix d’approvisionnement pour ses magasins ». Mais « il s’agit plutôt, selon nos informations, d’une démarche visant à exclure certains autres opérateurs de téléphonie cellulaire pour favoriser l’entreprise Glentel », soutient M. Péladeau.

« C’est pourquoi nous sollicitons votre intervention directe et ferme envers Loblaw, Glentel, Bell et Rogers et leurs manœuvres anticoncurrentielles », écrit l’homme d’affaires québécois.

Il est impératif que des mesures soient prises pour préserver un environnement de concurrence équitable dans le secteur des télécommunications et des épiceries, dans l’intérêt supérieur de la population canadienne.

Extrait de la lettre de Pierre Karl Péladeau

The Mobile Shop se défend

The Mobile Shop est disponible dans 180 épiceries appartenant à Loblaw à travers le Canada et répertorie actuellement les forfaits offerts par les quatre principaux fournisseurs canadiens ou leurs filiales sur son site web.

Dans une déclaration, The Mobile Shop a soutenu qu’il représentait moins de 5 % des ventes de téléphones mobiles et de forfaits au Canada, soulignant aussi qu’il n’était pas présent au Québec.

« Compte tenu de notre présence limitée sur le marché de la téléphonie mobile, notre décision concernant les opérateurs à vendre n’a absolument aucun effet sur la concurrence », a déclaré Daksa Mody, première vice-présidente et directrice de l’exploitation de PC Financial and Services.

Loblaw n’a actuellement aucune entente en place obligeant The Mobile Shop à acheter ou à offrir un produit de Québecor dans ses magasins, évoque Mme Mody.

Nous avons lancé un processus concurrentiel auprès de tous les fournisseurs, leur demandant différents scénarios. Québecor a choisi de ne pas y participer pleinement.

Daksa Mody, première vice-présidente et directrice de l’exploitation de PC Financial and Services

Lorsque questionnée, Québecor n’a pas précisé quand son contrat était censé prendre fin ni dans quel délai il lui avait été annoncé que le contrat serait résilié. L’entreprise n’a pas non plus précisé si elle avait reçu une réponse du ministre.

Interpeller le Bureau de la concurrence

Pour sa part, le cabinet de M. Champagne a indiqué que le ministre ne pouvait pas diriger une enquête sur cette affaire.

« Il aurait été préférable d’adresser la lettre au Bureau de la concurrence, puisque le commissaire détient le pouvoir de lancer des enquêtes », a affirmé la porte-parole Audrey Milette.

Québecor n’a pas précisé si elle avait contacté l’organisme de surveillance de la concurrence.

En 2015, le bureau a conclu un accord avec Rogers et Bell qui, selon lui, répondait aux préoccupations concernant l’acquisition de Glentel. Le bureau avait précédemment alerté que l’acquisition aurait « vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence dans le secteur sans fil ».

Mais Rogers, Bell et Glentel ont convenu de mettre en place des « pare-feu administratifs » qui empêchaient le partage des informations sur les abonnés, des prix et des offres promotionnelles.

L’organisme de surveillance de la concurrence a déclaré que ces conditions étaient nécessaires pour garantir que la transaction ne donne pas à l’un ou l’autre opérateur la possibilité de partager des informations confidentielles qui pourraient amener les consommateurs à payer des prix plus élevés pour les produits et services sans fil.

M. Péladeau a passé à l’offensive ce mois-ci en ce qui concerne les inquiétudes à propos de la concurrence dans les secteurs de la téléphonie et de l’internet.

« Les titulaires feront tout pour protéger leur monopole le plus longtemps possible, au mépris de la politique gouvernementale », a-t-il déclaré lors de l’assemblée générale annuelle de Québecor, qui s’est tenue le jour même de l’envoi de sa lettre au ministre Champagne.

« Nous sommes prêts à déployer tous les efforts nécessaires pour stimuler le marché. Pour que nous puissions continuer à jouer notre rôle de quatrième joueur fort, l’obstruction constante du “big three” à toute forme de concurrence doit cesser », a-t-il dit.

Loblaw, quant à elle, a récemment pris d’autres décisions dans le secteur des télécommunications.

Le mois dernier, l’épicier a lancé des forfaits de téléphonie mobile à bas prix sous sa marque No Name, proposant des cartes SIM mobiles prépayées à l’achat dans tous les magasins No Frills du pays.

Les nouveaux forfaits de téléphonie cellulaire No Name Mobile sont alimentés par son opérateur PC Mobile, qui existe depuis 2005 et fonctionne sur le réseau de Bell.