Montréal-Trudeau veut forcer son concurrent de Saint-Hubert à renoncer à son nouveau nom d’« Aéroport métropolitain de Montréal » parce que des passagers pourraient confondre les deux destinations. La mésentente révèle l’existence de vives tensions entre les organisations.

La Presse a appris qu’Aéroports de Montréal (ADM) a exigé sans succès que le changement de nom – annoncé en février – soit annulé, avant de s’adresser à la Cour supérieure pour se faire entendre. Le principal intéressé dénonce une « manœuvre d’intimidation ».

« ADM s’est vue dans l’obligation de signifier hier [lundi] une demande introductive d’instance devant la Cour supérieure du Québec pour l’émission d’une injonction permanente », a confirmé par courriel la directrice des communications Anne-Sophie Hamel.

« ADM est d’abord et avant tout préoccupée par la confusion que pourrait engendrer ce changement pour les passagers, de Montréal et d’ailleurs, considérant les très grandes similitudes entre les appellations “Aéroports de Montréal”, “Aéroport international Montréal-Trudeau” et “Aéroport métropolitain de Montréal” », a affirmé Mme Hamel. De plus, « cette nouvelle appellation ne témoigne pas de la réelle localisation de YHU, c’est-à-dire Saint-Hubert/Longueuil/Rive-Sud ».

Depuis 2023, des investisseurs – dont Porter Airlines – financent la construction d’une nouvelle aérogare de neuf quais à Saint-Hubert afin d’en faire une plateforme du transport aérien national et régional. Montréal-Trudeau garde l’exclusivité sur les vols internationaux.

« Manœuvre d’intimidation »

Le MET – Aéroport métropolitain de Montréal (nouveau nom officiel de l’aéroport situé sur la Rive-Sud) ne l’entend pas de la même oreille et a assuré qu’aucun retour en arrière n’était possible.

« Nous déplorons grandement l’attitude conflictuelle et cette manœuvre d’intimidation de la part de la haute direction d’ADM », a déclaré le PDG Yanic Roy par écrit. « Nous invitons la haute direction d’ADM à mettre ses intérêts corporatifs de côté et à collaborer avec nous à l’amélioration des services offerts aux voyageurs. »

Le gestionnaire a poussé l’audace jusqu’à ajouter qu’aucune confusion ne serait possible entre les deux lieux, puisque sa « singularité se manifestera également par la qualité de l’expérience qui sera offerte aux voyageurs passant par le MET ».

M. Roy a souligné qu’ADM avait seulement déposé la marque de commerce « Aéroports de Montréal » en février dernier auprès des autorités fédérales compétentes, soit au moment même où il révélait la nouvelle identité de son aéroport.

« Avec l’évolution du marché, le monopole de l’aéroport Montréal-Trudeau ne peut pas être éternel », a-t-il continué. « Déjà, les grandes métropoles du monde comptent sur plusieurs aéroports, cela s’opère sans confusion, en complémentarité et au bénéfice des citoyens. »

« Un potentiel incroyable »

À terme, les investisseurs prévoient que la nouvelle aérogare située à Saint-Hubert accueillera 4 millions de voyageurs chaque année.

« Saint-Hubert présente un potentiel incroyable en tant qu’aéroport secondaire complémentaire pour Montréal. Son emplacement est pratique pour une partie importante du marché local et permet un accès facile au centre-ville de Montréal, expliquait le grand patron de Porter Airlines, Michael Deluce, dans un communiqué de 2023.

« Nous avons prouvé la pertinence de ce concept à Billy Bishop, l’un des meilleurs aéroports urbains au monde, et nous sommes impatients de travailler avec nos partenaires de Saint-Hubert à la réussite de ce projet », continuait-il.

Son entreprise a déjà exprimé son intention de relier Longueuil à Vancouver, à St. John’s (Terre-Neuve) et aux deux aéroports de Toronto. Aucun vol de nuit ne sera offert.

En plus des liaisons de Porter Airlines, le nouvel aéroport accueillera notamment le transporteur régional Pascan.

Le projet, d’une valeur de 200 millions, est financé par la firme australienne Macquarie Asset Management et par un prêt de la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC).