(New York) Le patron du constructeur américain Boeing va quitter ses fonctions fin 2024, dans le cadre d’un remaniement annoncé lundi à la tête de l’avionneur, en pleine tourmente après une succession de problèmes de qualité et de sécurité sur ses avions.

Le groupe avait du mal à remonter la pente après deux écrasements en 2018 et en 2019, puis la pandémie de COVID-19 qui, dans son sillage, a mis à mal la chaîne d’approvisionnement alors que les commandes explosaient.

Le groupe a signalé maints problèmes de qualité sur ses chaînes de production, en particulier concernant son avion-vedette, le 737.

L’incident début janvier sur un 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines a été crucial car survenu en plein vol. Une porte-bouchon s’est détachée de la carlingue, ne faisant que quelques blessés légers. Plusieurs enquêtes ont été lancées, mettant notamment en évidence des problèmes récurrents de « non-conformité ».

Après plusieurs semaines de révélations, le couperet est tombé : Dave Calhoun va quitter son poste de directeur général fin 2024, a annoncé Boeing lundi dans un communiqué. Son successeur sera désigné ultérieurement.

Un aveu d’échec : il était arrivé en janvier 2020 pour rétablir la confiance après les écrasements des 737 MAX 8 des compagnies Lion Air et Ethiopian Airlines qui ont fait un total de 346 morts. Son prédécesseur, Dennis Muilenburg, avait été très critiqué pour sa gestion pendant cette crise.

M. Calhoun, qui aurait pu rester jusqu’en 2028, n’est pas le seul à partir.

Stan Deal, directeur de la division de l’aviation commerciale, est remplacé, avec effet immédiat, par Stephanie Pope qui travaille chez Boeing depuis près de trente ans. Elle a été nommée en décembre au poste tout nouvellement créé de directrice des opérations ce qui, selon des experts, la plaçait en bonne position pour prendre à terme la direction générale de l’avionneur.

Par ailleurs, la présidence du conseil d’administration va revenir à Steve Mollenkopf. Membre du conseil exécutif de Boeing et ancien patron du fabricant de puces Qualcomm, il sera chargé notamment de trouver le futur patron de Boeing.

Le 21 février, Boeing avait annoncé le départ d’Ed Clark, vice-président et directeur général du programme 737. Il dirigeait également l’usine de Renton (État du Washington), près de Seattle, où est assemblé ce modèle.

L’action Boeing a terminé lundi en hausse de 1,34 % à la Bourse de New York.

« Après une série de désastres, un changement était inévitable », a commenté Neil Saunders, directeur chez GlobalData, soulignant que clients et passagers avaient « perdu toute confiance » en Boeing.

Mais, comme lui, le consultant du cabinet spécialisé AIR, Michel Merluzeau, estime que ce sera insuffisant « sans d’importantes améliorations opérationnelles et changements dans les usines ». Stewart Glickman, de CFRA Resarch, abonde : il faut « un changement de culture ».

Selon M. Merluzeau, « l’urgence est dans les usines » et, si rien n’y change, « les résultats tangibles ne se produiront pas », car ces problèmes « mijotent depuis plus de quarante ans » à Seattle.

Série noire

« Servir Boeing a été le plus grand privilège de ma vie », a fait savoir M. Calhoun dans une lettre adressée aux employés, jointe au communiqué.

Après l’incident du 5 janvier, l’Agence américaine de l’aviation civile (FAA) a lancé un audit sur le contrôle qualité du constructeur.

Début mars, elle a indiqué que des « problèmes de non-conformité » avaient été repérés dans le contrôle de production de Boeing et de son sous-traitant Spirit AeroSystems.

Résultat : la cadence de production des 737 a été gelée par la FAA au niveau de fin 2023 (38 par mois), alors que l’avionneur comptait poursuivre sa hausse jusqu’à 50 mensuels en 2025/2026.

Le groupe comptait sur cet accroissement pour atteindre son objectif de dix milliards de dollars par an de flux de trésorerie positif à cet horizon.

Problèmes de production et autres incidents ont provoqué le mécontentement des compagnies aériennes qui, faute de recevoir les avions commandés dans les temps, ont revu leurs programmes de vol pour 2024 et gelé des milliers de recrutements.

Pâtissant également des suspensions de vol et d’opérations de maintenance supplémentaires, plusieurs dirigeants ont demandé la semaine dernière à rencontrer le conseil d’administration de Boeing.

Le patron de Ryanair, gros client de Boeing, s’est manifesté à plusieurs reprises. Michael O’Leary a qualifié d’« indispensables » les changements annoncés lundi.

« Boeing tente de réparer les dégâts causés à sa réputation par l’empilement des problèmes de sécurité », a commenté Susannah Streeter, analyste d’Hargreaves Lansdown, s’attendant à de « nouvelles turbulences » avant que le calme ne revienne.