Les Fermes Lufa n’ont pas seulement le projet de nourrir les villes avec des légumes frais. Leur ambition est aussi d’offrir de meilleurs prix que les grandes chaînes pour le panier d’épicerie au complet.

« C’est déjà le cas pour 50 des produits du panier Lufa », affirme Mohamed Hage, fondateur de l’entreprise qui a élargi sa mission pour se transformer de plus en plus en épicier.

Lufa inaugure ce mardi sa cinquième serre urbaine à Montréal, sur le toit du magasin Walmart du Marché central, où une toute première récolte de mini-concombres vient d’être faite, sans que les clients qui magasinent au rez-de-chaussée s’en rendent compte.

Pour tout ce qui pousse dans ses serres, Lufa revendique déjà de meilleurs prix que ceux des supermarchés, affirme Mohamed Hage. Pour le reste du panier, ça progresse, dit-il, lors d’une visite de la nouvelle serre. « Notre but est d’offrir des produits locaux et frais qui sont 10 % moins coûteux que ceux des grandes chaînes. »

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Mohamed Hage, fondateur des Fermes Lufa

L’entreprise tire 20 % de ses revenus de la vente des légumes qu’elle fait pousser. Les autres revenus sont générés par la vente des produits de ses partenaires. Avec ses cinq serres et une ferme intérieure, plus de 300 fournisseurs lui livrent du pain, du lait, de la viande, de la bière ou du vin, soit tous les produits d’un panier alimentaire complet, qui sont livrés chaque semaine à ses abonnés dans un rayon de 2 h 30 min de Montréal.

De l’ambition

Toutes les semaines, Lufa compare les prix d’une cinquantaine de ses produits avec les mêmes en vente dans les grandes chaînes et le résultat de l’exercice est plus qu’encourageant, selon Mohamed Hage.

Avec cinq serres et une ferme intérieure, Lufa prouve que son modèle d’affaires peut remplacer les légumes en provenance du Mexique et espacer les visites au supermarché, dit-il.

JoAnne Labrecque, professeur au département de marketing de HEC Montréal, qualifie ce plan d’ambitieux. Les entreprises comme Lufa peuvent réussir dans leur marché de niche, dit-elle, mais concurrencer les grandes chaînes est une autre paire de manches. « L’épicerie, c’est du volume et c’est aussi une capacité de négociation avec les fournisseurs, résume-t-elle. C’est déjà un marché très agressif. »

Contrairement à ce qu’on entend partout, il y a beaucoup de concurrence au Québec dans le secteur de l’alimentation, selon elle. « Quand on dit qu’il n’y a pas de concurrence, on exclut généralement de gros joueurs comme Costco et Walmart », dit-elle.

Après avoir vu le nombre de ses abonnés grimper de 100 % pendant la pandémie, Lufa a connu un retour brutal à la réalité avec une croissance nulle en 2022. Mohamed Hage n’est pas inquiet pour autant. Ses actionnaires, dont Desjardins et le Fonds FTQ, sont patients et voient à long terme, dit-il.

« Nourrir les villes à la façon de Lufa, c’est un projet de 30, 40 ou 50 ans », dit-il.

La technologie aidera Lufa à réaliser ses ambitions, explique le fondateur de l’entreprise.

La serre du Marché central, qui a nécessité des investissements de 10 millions, n’est pas la plus grande des six installations de Lufa, mais elle est de loin la plus performante. Elle pourra produire 40 % plus de concombres, poivrons et tomates avec 7 % moins d’énergie que la moyenne des autres serres des Fermes Lufa.

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La serre du Marché central a nécessité des investissements de 10 millions de dollars.

L’énergie, soit l’électricité pour l’éclairage et le gaz naturel pour le chauffage, arrive au troisième rang des coûts d’exploitation de l’entreprise, après les coûts de financement et la main-d’œuvre.

L’éclairage DEL, le vitrage ultra-isolant, le recyclage de l’eau et de l’air et l’automatisation des opérations contribuent à réduire le coût de production. Lufa peut offrir des laitues de première fraîcheur à 2 $ en hiver, mais tous ses légumes sont moins chers toute l’année, à l’exception des mois d’été, où c’est l’abondance dans les champs du Québec.

L’entreprise réduit alors ses activités et en profite pour se préparer à prendre la relève des maraîchers québécois à compter du mois de septembre pour le reste de l’année.

« Lufa a beaucoup appris depuis ses débuts », assure Mohamed Hage, qui n’avait jamais rien fait pousser avant de se lancer dans l’agriculture urbaine. Une des leçons apprises à la dure est qu’il ne faut pas multiplier les cultures. « On a déjà eu 40 variétés dans une serre », rappelle-t-il.

Le coût de l’énergie, qui est appelé à grimper au Québec comme partout ailleurs dans le monde, jouera en faveur de Lufa, estime l’entrepreneur. Rapprocher la production des consommateurs deviendra de plus en plus avantageux comparativement aux poivrons du Mexique qui doivent voyager sur des milliers de kilomètres, illustre-t-il.

Les Fermes Lufa

  • Fondées en 2010
  • Cinq serres, une ferme intérieure
  • 600 employés
  • 30 000 paniers livrés par semaine

Précision :
Une version antérieure de ce texte contenait une information erronée sur le nombre de serres de Lufa.