Rio Tinto Aluminium poursuit sa transformation avec la fermeture graduelle de ses vieilles cuves d’électrolyse et l’implantation de la nouvelle technologie de pointe AP60, beaucoup moins polluante. L’entreprise va toutefois compter essentiellement sur la production d’aluminium recyclé pour faire face à la hausse de 40 % de la demande d’ici 2030, anticipe son nouveau PDG Jérôme Pécresse.

Jérôme Pécresse est entré en fonction le 23 octobre dernier pour remplacer Ivan Vela, qui a quitté précipitamment son poste en juin dernier après seulement deux ans comme PDG de Rio Tinto Aluminium.

M. Pécresse connaît bien le Québec puisqu’il a été durant 11 ans PDG de GE Énergies renouvelables (il était chez Alstom avant la fusion des deux groupes de l’énergie).

« Je venais au Québec à notre usine de fabrication de pales d’éoliennes en Gaspésie ou rencontrer les gens de chez Hydro-Québec qui était un gros client pour nos turbines et nos génératrices », rappelle M. Pécresse, qui a aussi été PDG d’Imerys, un producteur français de métaux industriels qui exploitait la mine de graphite du Lac-des-Îles, près de Mont-Laurier.

Chez Rio Tinto Aluminium, le nouveau PDG a plusieurs chantiers en marche et de nouveaux projets à développer, notamment la fermeture des vieilles cuves d’électrolyse de l’usine d’Arvida et leur remplacement par la nouvelle technologie AP60.

L’investissement de 1,4 milliard va permettre la production de 160 000 tonnes d’aluminium moins polluant à partir de 2026.

« Avec la technologie AP60, on va réduire de 90 % l’émission de particules fines qui s’échappaient des vieilles cuves de l’usine d’Arvida, qui produisait 170 000 tonnes par année. On va aussi produire 30 000 tonnes d’aluminium secondaire à notre nouveau centre de recyclage d’Arvida », précise Jérôme Pécresse.

Sans réduire ses capacités de production d’aluminium primaire, Rio Tinto Aluminium va compter davantage sur l’aluminium recyclé pour répondre à la demande de l’industrie, qui devrait croître de 40 % d’ici 2030.

À elles seules, les voitures électriques utilisent deux fois plus d’aluminium que les voitures traditionnelles, on en a besoin pour la fabrication des panneaux solaires, les réseaux électriques…

Jérôme Pécresse, PDG de Rio Tinto Aluminium

Le 1er décembre dernier, Rio Tinto Aluminium a fait l’acquisition de 50 % de l’entreprise Matalco appartenant au groupe Giampaolo de Toronto. Une transaction de près de 1 milliard.

Matalco exploite sept usines de recyclage de l’aluminium en Amérique du Nord, six aux États-Unis et une au Canada. Cette coentreprise va produire 900 000 tonnes d’aluminium secondaire par année et ces ventes additionnelles vont être consolidées au bilan de Rio Tinto Aluminium.

« Ces 900 000 tonnes d’aluminium secondaire vont s’ajouter aux 2 millions de tonnes d’aluminium primaire que l’on produit sur tous nos sites canadiens, on ajoute 45 % de capacité. Fabriquer une tonne d’aluminium secondaire produit seulement 5 % du carbone par rapport à une tonne d’aluminium primaire », expose Jérôme Pécresse.

Décarbonation et besoins énergétiques

On le sait, la multinationale Rio Tinto veut réduire son empreinte carbone mondiale de 50 % d’ici 2030 et la production d’aluminium totalise à elle seule 70 % de toutes les émissions de la société minière.

Au Québec, le bilan de l’entreprise va s’améliorer avec l’entrée en service des nouvelles cuves d’électrolyse AP60 en 2026, mais Rio Tinto Aluminium veut décarboner d’autres activités comme celles de sa raffinerie de bauxite Vaudreuil.

« L’usine est alimentée en gaz naturel, on veut passer aux énergies renouvelables. On va étudier avec Hydro-Québec la faisabilité de différents projets », évoque le PDG.

Chose certaine, à titre d’ex-PDG de GE Énergies renouvelables, Jérôme Pécresse n’écarte pas la construction de parcs éoliens, notamment pour alimenter son usine de Vaudreuil.

« On fait présentement des tests de vent au Saguenay parce que l’éolien terrestre pourrait combler certains de nos besoins énergétiques. On veut développer en partenariat avec Hydro-Québec et la communauté de Mashteuiatsh. »

À titre de responsable des activités mondiales de l’aluminium pour Rio Tinto, le nouveau PDG s’engage à décarboner les alumineries du groupe en Australie dont l’électricité est produite à partir du charbon.

« On s’est associé avec des producteurs locaux qui vont construire des fermes éoliennes et solaires qui vont produire 2,5 des 4 gigawatts dont on a besoin. Ça va être le plus gros parc d’énergies renouvelables de l’Australie », souligne Jérôme Pécresse.

Si, au Québec, Rio Tinto produit 90 % de ses besoins énergétiques avec son propre réseau de sept centrales hydroélectriques dont elle s’est vu attribuer les droits d’exploitation par le gouvernement du Québec, elle prévoit avoir des besoins additionnels dans le futur.

C’est pourquoi Rio Tinto a notamment entrepris la restauration de la centrale de L’Isle-Maligne à Alma, construite elle aussi en 1926, qui doit être complètement remise à neuf et qui va nécessiter des investissements de 1 milliard sur quelques années.

Au chapitre des nouveaux investissements, Rio Tinto va aussi investir 250 millions dans la construction d’une nouvelle fonderie de billettes à Alma.

« Chaque année, on investit 500 millions au Saguenay–Lac-Saint-Jean pour la maintenance de nos infrastructures. On a 4300 employés dans la région et le groupe en compte 8000 sur tout le territoire québécois, ce qui fait de nous le premier employeur industriel au Québec », souligne le nouveau PDG.

Enfin, le groupe étudie la faisabilité de produire, à partir des résidus de la production d’alumine à Vaudreuil, du gallium, un métal rare qui sert à la fabrication des microprocesseurs et qui est essentiellement produit par la Russie et la Chine.

« On regarde la possibilité de raffiner les résidus et de produire du gallium, ce serait important pour la souveraineté canadienne. Le gallium est un minerai stratégique et l’Amérique du Nord dépend de pays étrangers pour s’approvisionner », conclut Jérôme Pécresse.

Précision : Une première version de ce texte laissait entendre la fermeture de la vieille usine d’Arvida et le transfert de sa production à Alma alors que la nouvelle technologie sera plutôt implantée au complexe d’Arvida. Nos excuses.