Condamnés dans les dernières années à des amendes pouvant aller jusqu’à 115 000 $ pour des critiques en ligne, les consommateurs canadiens doivent être mieux protégés et connaître les balises de leur liberté d’expression.

C’est la principale conclusion d’un rapport de recherche très fouillé de 77 pages rédigé par l’avocate Véronique Parent. En plus de la jurisprudence des causes entre 2018 et 2021, au total 43 causes dans 6 provinces canadiennes. On a en outre mené des entrevues avec des experts de différents domaines et tenu six groupes de discussion en ligne.

Un cadre pour s’exprimer

Selon le rapport de recherche, « les poursuites en diffamation intentées contre des consommateurs ayant utilisé les plateformes numériques pour critiquer leurs produits ou leurs services ont connu une augmentation au cours des dernières années ».

On note cependant que dans le contexte actuel, avec l’utilisation accrue des médias sociaux, la poursuite en diffamation classique intentée par les entreprises apparaît mal adaptée.

« Dans les décisions qui ont été rendues, souvent, le juge concluait que le consommateur avait injustement porté atteinte à la réputation de l’entreprise », résume MParent. L’enjeu, estime-t-elle, c’est que le consommateur ignore souvent où est la ligne à ne pas franchir dans ses critiques.

À l’inverse, on peut avoir des entreprises qui vont réagir très fortement à la moindre critique négative. C’est important d’établir un cadre qui permettrait aux consommateurs de s’exprimer, mais qui viendrait aussi, dans certains cas, fixer des limites.

Extrait du rapport de recherche produit par Véronique Parent

MParent cite en exemple l’Alberta qui a enchâssé une disposition dans la loi sur la protection du consommateur établissant de telles balises. « Une entreprise ne peut pas intenter un recours en dommages et intérêts contre un consommateur pour avoir publié un avis en ligne, sauf exception. On parle de propos vexatoires, d’attaques personnelles, de langage abusif avec des termes comme “escroc”, “voleur”, de propos de mauvaise foi. »

« L’idée, c’est de trouver un équilibre entre la liberté d’expression du consommateur, mais aussi la réputation de l’entreprise », explique-t-elle.

« On n’a pas de dispositions aussi précises au Québec. C’est un peu flou pour un consommateur de savoir jusqu’où va la liberté d’expression, à quel moment ça devient diffamatoire. »

Projet pilote et tribunal

Pour Option consommateurs, une poursuite ne devrait être recevable que lorsqu’il est établi que le consommateur a outrepassé sa liberté d’expression et a causé un préjudice économique important à l’entreprise. Actuellement, note l’organisme, il revient aux tribunaux d’établir, au cas par cas, les contours de la liberté d’expression des consommateurs.

Option consommateurs suggère comme première piste de solution un recours à la médiation. Un projet pilote lancé par l’organisme il y a un mois est d’ailleurs en cours, précise MParent. « Il est nouveau, donc on n’a pas encore vraiment de résultats concrets à montrer. »

L’autre solution évoquée concerne la mise sur pied d’un « tribunal de litiges en ligne en matière de diffamation ». « L’idée, c’est de permettre de régler plus rapidement les litiges en étant en ligne. »