Alors qu’un actionnaire de Reitmans tape du pied et invite la direction à effectuer des changements, notamment l’élimination de la structure à deux catégories d’actions, la direction du détaillant montréalais dit considérer plusieurs modèles de création de valeur.

Donville Kent, qui détient des centaines de milliers d’actions de chacune des deux catégories d’actions de Reitmans, croit savoir pourquoi le titre demeure sous-évalué, et vient d’envoyer une lettre au conseil d’administration.

L’entreprise est bien gérée sur le plan opérationnel (au jour le jour), selon le gestionnaire d’actifs torontois, mais pas sur le plan de son conseil d’administration.

« Leur approche des marchés de capitaux et du traitement des actionnaires minoritaires est médiocre et dépassée », soutient le gestionnaire de portefeuille Jesse Gamble, de la firme Donville Kent.

Il estime que la consolidation de la structure en une seule catégorie d’actions éliminerait le problème d’égalité de traitement de tous les actionnaires. « Et avec une migration du titre de la Bourse de croissance vers la Bourse de Toronto et l’adoption d’une attitude plus conviviale à l’égard des actionnaires, le fossé entre le cours de l’action et sa valeur intrinsèque pourrait se combler. »

Actuellement, environ 50 % des 13,4 millions d’actions ordinaires sont sous l’emprise de la famille Reitman alors qu’il y a également en circulation 35,4 millions d’actions sans droit de vote de catégorie A.

Jesse Gamble a fait parvenir à la mi-octobre une lettre au conseil d’administration de Reitmans dans laquelle il souhaite la mise sur pied d’un comité indépendant pour évaluer les gestes à faire pour créer de la valeur.

Un « fief »

La lettre est envoyée alors qu’une nouvelle PDG a pris les commandes en septembre et à un moment où l’action de Reitmans est déprimée.

Dans cette lettre obtenue par La Presse, Jesse Gamble souligne que du point de vue d’un observateur externe, Reitmans est toujours apparue comme un « fief ». « Avec le décès du PDG de longue date Jeremy Reitman et l’annonce de la nomination d’une première personne ne provenant pas de la famille fondatrice pour diriger l’entreprise, une nouvelle ère débute. L’argument en faveur du maintien du contrôle par un fondateur avec une structure d’actions à deux catégories n’a plus sa raison d’être », est-il précisé.

C’est dans l’intérêt des actionnaires, car ça constitue la première étape vers une migration des actions au TSX.

Jesse Gamble, de la firme Donville Kent

Il cite l’exemple de Magna International, qui a vu son action s’apprécier en 2010 après avoir annoncé l’élimination de sa structure à deux catégories d’actions.

Jesse Gamble souligne que Magna avait aussi fait d’autres gestes pour récompenser ses actionnaires, comme le rachat d’actions à des fins d’annulation et le versement d’un dividende. Il invite le conseil d’administration de Reitmans à s’inspirer de Magna.

Migration au TSX

Si la famille Reitman souhaite conserver le contrôle après avoir éliminé la structure à deux catégories d’actions, l’entreprise aurait à racheter 32,4 millions d’actions à des fins d’annulation. Jesse Gamble pense qu’il s’agirait d’une excellente utilisation du capital disponible compte tenu du cours boursier actuel et de la solidité du bilan et des flux de trésorerie chez Reitmans.

Une migration au TSX augmenterait, selon Jesse Gamble, la liquidité de l’action en attirant des investisseurs institutionnels qui ne s’intéressent pas aux titres inscrits à la Bourse de croissance.

Jesse Gamble poursuit en soulignant que les sociétés ouvertes comparables organisent non seulement des conférences téléphoniques sur les résultats, mais également des présentations régulières à l’intention des investisseurs et font appel à des analystes. « Un meilleur engagement et une meilleure communication avec les actionnaires aideraient le marché à comprendre l’opportunité d’investissement. »

Il estime enfin que la création d’un comité indépendant pour évaluer les gestes nécessaires est de mise.

Croissance à long terme

Appelée à réagir, la direction de Reitmans répond que la possibilité d’un retour de l’entreprise à la Bourse de Toronto ainsi que différents modèles de création de valeur pour les actionnaires font présentement l’objet d’une analyse approfondie par le conseil d’administration.

S’il n’a pas été possible d’obtenir une entrevue avec le président du conseil d’administration, Stephen Reitman, l’entreprise indique que la priorité est la croissance à long terme. « Nous entendons déployer stratégiquement nos ressources financières dans la modernisation de nos opérations, le meilleur positionnement de nos marques dans leurs marchés respectifs, et la rentabilité à long terme », indique-t-on par courriel.

« Le développement d’une communication ouverte et continue avec les investisseurs fait partie de nos engagements et différentes initiatives verront le jour à cet effet au cours du prochain exercice financier », est-il ajouté.

L’exploitant des enseignes Penningtons, RW & CO et Reitmans est revenu sur l’écran radar des investisseurs au cours de la dernière année après avoir fait appel à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour assainir son bilan et rationaliser ses opérations pendant la pandémie. Des magasins ont été fermés et des baux ont été renégociés.