Plus de 120 employés mis à pied par la société pharmaceutique Capcium, de Pointe-Claire, attendent la fin du mois avec intérêt. C’est le 30 août devant la cour des faillites qu’on saura si cette entreprise insolvable et son usine flambant neuve seront relancées par un repreneur. Investissement Québec, qui a près de 17 millions en jeu, est également concerné, tout comme le fédéral à hauteur de 5,5 millions.

Capcium est un sous-traitant en encapsulation stérile qui met en gélules des médicaments et d’autres substances absorbables par voie orale.

Devant des pertes cumulatives de 68 millions (dont 24 millions en 2022) et une dette de 27 millions, Capcium a licencié au début de l’été presque tous ses 132 employés et le conseil d’administration a démissionné, y compris son président, le cofondateur et actionnaire minoritaire Mitch Greenspoon. En mai, l’entreprise s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE CAPCIUM

L’usine de Capcium, à Pointe-Claire

La cour a donné au syndic Dominic Deslandes, de Raymond Chabot, le mandat de redresser l’entreprise et de trouver un repreneur. « Dans ce genre de démarche, on cherche soit un financier ou un partenaire » qui injecterait du capital (moyennant une dilution considérable des investisseurs actuels), « soit un acquéreur qui repart dans une nouvelle direction » et dont l’argent dédommage en partie les créanciers.

Les deux créanciers garantis sont au premier rang la Banque Scotia (6,9 millions), puis l’autre prêteur, Investissement Québec (16,8 millions).

Perte totale pour IQ en cas de faillite

Si Capcium était liquidée, « ses actifs seraient insuffisants pour verser un dividende à Investissement Québec » (IQ). La Banque Scotia ne risque pas grand-chose ; son prêt est garanti à 80 % (5,5 millions) par le contribuable, par le truchement de l’agence Exportation et développement Canada.

Mais on n’en est pas là, a dit le syndic Dominic Deslandes, qui écrit dans son rapport avoir sollicité 71 repreneurs potentiels, dont 57 sont des entreprises pharmaceutiques ou nutraceutiques ou des fonds d’investissement actifs dans ces secteurs. Les autres sont des fonds vautours spécialisés dans le rachat à des prix de misère « d’actifs en détresse ».

M. Deslandes a dit hier à La Presse que plusieurs entreprises actives dans les mêmes secteurs que Capcium avaient signé des manifestations d’intérêt et visité l’usine.

Il a dit s’attendre à ce que plusieurs offres arrivent d’ici le 22 août, date à laquelle se termine l’appel d’offres. Une décision pourrait être entérinée à la prochaine audience à la cour des faillites, prévue le 30 août.

Le principal actif de Capcium est constitué de ses approbations de fabrication aux normes pharmaceutiques de Santé Canada et de la FDA américaine. Ces homologations canadienne et américaine coûtent cher, sont difficiles à obtenir et longues à obtenir. D’où la valeur de l’usine pour un éventuel repreneur du secteur pharmaceutique ou nutraceutique, explique le syndic.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE CAPCIUM

Capcium est un sous-traitant en encapsulation stérile qui met en gélules des médicaments et d’autres substances absorbables par voie orale.

Par contre, il faut un investisseur aux poches assez profondes. L’usine a besoin d’un investissement de 11,5 millions pour ajouter quatre chaînes d’encapsulation, sans quoi Capsium n’est pas rentable, explique le rapport du syndic.

Au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, à Québec, on se dit attentif et on note qu’il « est encore trop tôt dans le processus de vente pour confirmer la hauteur des montants qui pourront être récupérés », a indiqué Jean-Pierre D’Auteuil, responsable des relations médias. Pour ce qui est d’un éventuel rôle si une transaction se réalise dans le dossier, il est trop tôt pour en parler, ajoute-t-il.

Du paintball à l’industrie pharmaceutique

La société a été fondée en 2012, en tant que filiale d’un fabricant de balles de paintball, un processus qui a quelques similarités avec l’encapsulation en gélules. Rapidement, elle s’est tournée principalement vers des clients pharmaceutiques et nutraceutiques (suppléments alimentaires, vitamines, etc.) et de l’industrie du cannabis.

L’albertaine Aurora Cannabis est d’ailleurs le deuxième actionnaire de Capcium, ayant investi 10 millions en 2018 pour prendre une participation de 19,99 % dans l’entreprise. Selon le registre des entreprises, le premier actionnaire est Fulcrum Capital Partners, de Toronto. Le PDG Richard Italia est le troisième actionnaire. Pharmascience, de Montréal, avait un dirigeant haut placé au conseil d’administration.

Les ennuis de Capcium ont commencé avec la pandémie. La construction de l’usine de 13 000 mètres carrés devait coûter 39 millions, mais les dépassements ont atteint 8,4 millions et les travaux ont accumulé de nombreux retards.

La pandémie a aussi changé les priorités à Santé Canada, qui n’était déjà pas réputée pour sa rapidité, et l’homologation des procédés et de l’usine elle-même a pris plus de temps que prévu.

L’effondrement du marché du cannabis a aussi fait mal à Aurora, qui a fermé ses installations au Québec.

Alors que Capcium prévoyait des revenus de 43 millions en 2021-2022, ils ont atteint seulement 7,8 millions à la fin de 2022. Depuis 2020, les investisseurs ont dû ajouter près de 15 millions pour maintenir le navire à flot.