Ils travaillent sept jours sur sept. De nature joviale, ils poussent souvent la chansonnette, notamment à l’occasion des anniversaires. Tilou et Kitty portent des surnoms que l’on pourrait donner à deux animateurs de camp de jour, mais sont plutôt des robots aux allures félines « embauchés » par un restaurant St-Hubert.

Et ces robots-chats pourraient se multiplier dans les établissements du rôtisseur au cours de la prochaine année. Actuellement, six succursales ont recours à leurs services.

Ainsi, au restaurant St-Hubert situé boulevard Saint-Martin à Laval, pendant que Kitty attend en cuisine que l’on dispose les assiettes sur l’un de ses quatre cabarets, Tilou patiente au poste de repos. Pour le nettoyer, une serveuse passe parfois une lingette sur son « visage », qui s’apparente à une tablette. Il fait alors des clins d’œil et ses oreilles s’illuminent, signe qu’il aime qu’on prenne soin de lui, a constaté La Presse lors de son passage dans la succursale, un midi de semaine.

En cuisine, les cabarets de Kitty sont pleins. Elle est prête à partir. Une serveuse indique le numéro de table où elle doit se diriger avec les assiettes en l’écrivant sur la tablette. Celle-ci s’y rendra, parfois sous des airs de jazz. « Votre serveuse va bientôt arriver », dit-elle aux clients attablés, avec une voix légèrement enfantine. Elle attendra ensuite qu’un humain prenne les assiettes de poulet et frites pour les déposer sur la table. Une fois déchargée, elle prendra congé en saluant les convives.

Un robot peut transporter huit assiettes à la fois. Lorsqu’ils circulent dans le restaurant, les deux félins ne laissent personne indifférent. Les clients les prennent en photo. Certains appellent même avant de venir manger pour s’assurer que les robots seront en service, nous ont raconté les serveuses sur place.

L’arrivée de ces employés nouveau genre dans les restaurants a fait beaucoup jaser depuis le début de l’année. Ils se sont multipliés chez St-Hubert. Les établissements de Laval, Drummondville, Saint-Hyacinthe, Gaspé, Rivière-du-Loup et Mont-Tremblant les comptent maintenant sur leur liste d’employés. La décision de les embaucher revient à chaque franchisé. La chaîne de poulet rôti souhaiterait que d’autres restaurants donnent leur chance à ces chats robotisés, à peine plus grands qu’un enfant âgé de 8 ans. Groupe St-Hubert fait le pari que le bouche-à-oreille fera son œuvre et que d’autres propriétaires se laisseront séduire, selon Josée Vaillancourt, directrice des communications.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Hélène Barrière, directrice générale de la succursale du restaurant St-Hubert situé boulevard Saint-Martin à Laval, avec le robot

Pour des employés « top shape »

Loin d’être une menace pour les emplois, assurent les restaurateurs, le robot fait davantage office d’assistant. À Saint-Hyacinthe, Steve Deslauriers, propriétaire d’un restaurant St-Hubert, a décidé « d’embaucher » Rob-Hert parce qu’il est à l’affût des nouvelles technologies, mais également pour soulager ses serveuses – la plupart sont des femmes – qui souffrent de maux d’épaule, de coude ou de genou.

Les serveuses peuvent marcher de huit à dix kilomètres par jour pendant leur quart de travail. Depuis qu’on a le robot, ça leur permet de faire moins de pas.

Steve Deslauriers, propriétaire d’un restaurant St-Hubert

Groupe St-Hubert n’est visiblement pas le seul restaurateur à vouloir ménager ses employés, une denrée rare par les temps qui courent. D’autres établissements ont recours au service d’un employé robotisé. C’est également ce qui a incité François Roy, propriétaire du Restaurant Matinée à Saint-Jean-sur-Richelieu, à accueillir Bella dans son équipe en février. « Au départ, c’était pour prendre soin de mes serveuses », précise-t-il.

M. Roy ajoute également que depuis la fin de la pandémie, le chiffre d’affaires de son restaurant spécialisé dans les déjeuners a littéralement « explosé ». « C’est difficile de répondre à la demande en pénurie de main-d’œuvre. »

Il a finalement investi 25 000 $ dans l’achat d’un robot, l’un des rares dans la région. Selon les restaurateurs interrogés, ce genre de robot se vend entre 18 000 $ et 25 000 $. Fabriqués en Asie, les robots sont distribués au pays par différentes entreprises canadiennes comme GreenCo Robots et Sparc Technologies.

Chose certaine, François Roy ne regrette pas son investissement. « Le dimanche, on sert 500 déjeuners. À la fin de la journée, les serveuses sont encore top shape. »

« Pour un groupe de huit, honnêtement, un employé peut se rendre trois fois en cuisine. Il y a les toasts et le café, illustre-t-il. Mais là, c’est Bella qui transporte les huit assiettes et la serveuse apporte le café. L’avantage est considérable. »

« Bella se paye toute seule »

En plus de donner un sérieux coup de pouce sur le plancher, les employés robots sont devenus un important outil de marketing. « Quand j’ai acheté Bella, j’ai dit à mes employés que si on avait un nouveau client qui vient pour la première fois au resto chaque jour, ça allait payer Bella », raconte François Roy.

« Mais là, ce n’est pas juste un client. Les gens viennent de partout », dit-il, ajoutant dans la foulée qu’un couple a fait la route depuis Gatineau pour voir le nouveau robot à l’œuvre. « On n’avait pas prévu autant d’engouement. Finalement, Bella se paye toute seule ! », lance-t-il en riant.

« C’est devenu une sorte de mascotte », mentionne pour sa part Steve Deslauriers. Au St-Hubert de Saint-Hyacinthe, le robot fait littéralement tourner les têtes.

« Au départ, j’en avais un et j’ai dû en commander un deuxième parce que des clients sortaient parfois du restaurant, déçus de ne pas avoir vu le robot », raconte le président d’Aki Sushi, Claude Guay. Son restaurant situé à Saguenay a embauché son premier employé robot il y a deux ans.

« C’est un système efficace, sécuritaire. Et en prime, il est toujours de bonne humeur. »