(Toronto) Le grand patron de Bell Canada, Mirko Bibic, a prévenu lundi qu’une réglementation accrue dans l’industrie des télécommunications au Canada pourrait amener les entreprises à réduire leurs investissements et à réduire les services pour les communautés mal desservies.

S’exprimant lundi lors d’un déjeuner-causerie organisé par le Canadian Club Toronto, M. Bibic a pris pour cible le gouvernement fédéral et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), dénonçant leur virage « vers une hausse de la microgestion de l’industrie des télécommunications au Canada ».

Selon lui, certains investissements sont « impossibles à justifier » lorsque les grandes entreprises sont tenues de fournir à leurs concurrents de moindre taille un accès à leurs réseaux privés à des tarifs fortement réduits.

« Notre industrie est très réglementée et nous semblons nous diriger rapidement vers des interventions encore plus importantes », a souligné M. Bibic, ajoutant qu’une telle approche « générait de l’incertitude sur le marché ».

Notre régulateur nous dit que nous devons donner accès aux nouveaux réseaux que nos employés, nos partenaires et notre capital construisent et ils nous disent les tarifs que nous devons facturer pour cet accès. Ce n’est pas ainsi qu’un marché concurrentiel devrait fonctionner. [Cela] ne renforce certainement pas la qualité ou la résilience des réseaux et des services sur lesquels vous comptez tous.

Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell Canada

Plus tôt cette année, l’organisme de réglementation des télécommunications du Canada a annoncé qu’il réduirait certains tarifs internet de gros de 10 % et examinerait si les grandes entreprises devraient fournir à leurs plus petits concurrents un accès à leurs réseaux de fibre jusqu’au domicile de leurs clients.

Le CRTC a expliqué que cette décision visait à améliorer les vitesses internet et à renforcer la concurrence.

Cette mesure est intervenue après que le ministre fédéral de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a ordonné au régulateur de mettre en œuvre de nouvelles règles pour renforcer les droits des consommateurs, l’abordabilité, la concurrence et l’accès universel, qui comprenaient une exigence d’amélioration des tarifs internet de gros.

Où les dépenses seront-elles réduites en premier ?

Le CRTC a également indiqué plus tôt ce mois-ci que les grandes entreprises de télécommunications auraient 90 jours pour négocier des accords d’accès pour les opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO). Cela faisait suite à une politique établie en 2021 permettant aux fournisseurs régionaux de téléphonie cellulaire de rivaliser en tant que MVNO à travers le Canada en utilisant des réseaux construits par de grandes entreprises.

M. Bibic croit qu’Ottawa et le CRTC devraient s’assurer que les quatre grandes entreprises de télécommunications du Canada sont incitées à investir et à se différencier les unes des autres, ce qui conduirait à une plus grande valeur pour les clients. Il a mis en garde contre des « conséquences imprévues » si la réglementation continuait de s’intensifier.

Il arrive un moment où si le gouvernement est trop interventionniste, nous allons tous devoir réduire ces investissements, ce qui n’est pas bon pour les consommateurs et les entreprises.

Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell Canada

« Si vous devez commencer à réduire vos dépenses en capital, qu’est-ce qui sera coupé en premier ? Est-ce que la grande région de Toronto sera coupée en premier ? Ou est-ce qu’une communauté du nord de l’Ontario sera coupée en premier ? Nous connaissons la réponse à cette question. »

Une question de qualité ?

M. Bibic a également rejeté une « histoire répandue, mais fausse » entourant l’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada, ainsi qu’au sujet des prix des téléphones portables et de l’internet.

Les résultats d’un rapport publié en février par Wall Communications, qui effectue une comparaison annuelle des prix des téléphones et de l’internet au Canada par rapport à d’autres territoires, ont révélé que les prix au Canada étaient toujours parmi les plus élevés au monde pour les services de téléphonie cellulaire et à large bande en 2022.

Mais M. Bibic a noté que malgré l’accélération de l’inflation, les prix des services sans fil au Canada avaient diminué de 8 % au cours des deux dernières années et de près de 25 % depuis janvier 2020.

« Nous sommes tous allés aux États-Unis, n’est-ce pas ? Le service est épouvantable. Il y a donc une dimension de qualité à cela », a-t-il fait valoir.

« Trop souvent, le récit dominant est basé sur ces études qui, par définition, créent ces paniers moyens de biens, de sorte qu’il y a un semblant d’essai de comparer les prix à travers le monde, mais ces paniers de biens ne reflètent pas réellement ce que les gens achètent aujourd’hui. »