Lorsque Brian McManus a pris la direction du groupe Uni-Sélect, en mai 2021, ce n’était pas son intention ni son mandat de mettre un jour en vente l’entreprise de distribution de produits d’automobile active au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. « Il fallait régler nos problèmes opérationnels, mettre de l’ordre dans la maison et regarder les opportunités d’acquisition. L’offre de LKQ est arrivée par surprise, c’est la première fois que je vis pareille situation », explique le PDG d’Uni-Sélect.

L’offre publique d’achat qu’a déposée la semaine dernière l’entreprise américaine LKQ sur Uni-Sélect – qui valorise le groupe de Boucherville à 2,8 milliards – est survenue alors que le distributeur québécois est en plein redressement.

Il y a trois ans, rappelle Brian McManus, la valeur de l’action d’Uni-Sélect était tombée à 3 $, le groupe éprouvait des problèmes de rentabilité et affichait des ratios d’endettement inquiétants.

« L’entreprise a connu une crise en 2018-2019 lorsque des décisions stratégiques qui avaient été prises n’ont pas donné les résultats escomptés. Uni-Sélect a alors tenté de vendre certaines de ses divisions pour réduire son endettement et a même étudié la possibilité de vendre toute l’entreprise, mais il n’y avait pas d’intérêt », souligne le PDG.

Un an plus tard, en mai 2021, Brian McManus a été recruté pour mettre un peu d’ordre chez Uni-Sélect. Après un parcours sans faille chez le fabricant de produits en bois traité sous pression Stella-Jones, qui a duré 18 ans pendant lesquels il a fait passer le chiffre d’affaires de 80 millions à 2 milliards, Brian McManus a accepté le défi.

« Avec le chef de la direction financière, Anthony Pagano, on a entrepris de réduire l’endettement. On a changé l’équipe de direction, en procédant à des nominations à l’interne et à l’externe, et en insistant sur trois valeurs fondamentales : l’appartenance, le travail d’équipe et le respect », résume le PDG.

Brian McManus a alors fixé cinq priorités à chacune des trois divisions du groupe.

Il s’agissait de choses simples, on ne visait pas le coup de circuit, mais de réaliser des choses simples, les unes après les autres.

Brian McManus

Les résultats ont été rapides. Après avoir dégagé un maigre bénéfice net de 895 000 $ US en 2021, Uni-Sélect a rebondi en produisant un profit net de 65 millions à son dernier exercice.

« On a aussi été favorisés par les conditions du marché. On sortait de la COVID, le marché des autos usagées était en plein boom et l’inflation nous a aidés alors qu’on a été en mesure de maintenir nos coûts à de bons niveaux », précise le PDG.

Il y a trois ans, le ratio dette/EBITDA était de 4, et l’an dernier il est retombé à 1,3. La valeur de l’action, qui était remontée à 15 $ en mai 2021, a franchi la marque des 40 $, avant l’offre de l’entreprise américaine LKQ qui a fait bondir le titre à plus de 46 $ la semaine dernière.

Le conseil recommande l’offre

C’est dans ce contexte de redressement que le groupe américain LKQ, lui aussi actif dans la distribution de pièces de rechange pour les automobiles avec des activités aux États-Unis, en Europe et en Asie, a formulé son offre de payer 48 $ les actions d’Uni-Sélect, offre qui a été acceptée à l’unanimité par le conseil d’administration du groupe québécois.

« LKQ est sept fois plus gros que nous. Ils ont un bilan très fort et une bonne capitalisation boursière de près de 16 milliards US. Cela va nous permettre de concurrencer avec des groupes de même taille comme NAPA, qui est dix fois plus gros que nous.

« Nos activités sont complémentaires aux leurs. Ils vont pouvoir percer le marché canadien et c’est pourquoi ils vont garder le siège social à Boucherville. Ils vont toutefois devoir vendre nos activités en Grande-Bretagne parce qu’ils ont une forte présence en Europe », expose Brian McManus.

La direction d’Uni-Sélect a-t-elle cherché à conclure une transaction alternative pour éviter que le groupe québécois ne soit absorbé ?

On a embauché la TD pour étudier le marché, mais on n’a pas trouvé d’alternatives. C’est sûr qu’on avait un plan de croissance, mais rien ne garantissait qu’il se réalise. Le conseil d’administration a jugé que l’offre de LKQ était la meilleure option pour toutes les parties prenantes, les employés, les actionnaires et les fournisseurs.

Brian McManus

Durant son passage de 18 ans chez Stella-Jones, Brian McManus a réalisé plus d’une vingtaine d’acquisitions. Comment vit-il ce retournement de situation ?

« C’est sûr que ça laisse un goût doux-amer. Je suis fier qu’on ait réussi notre redressement aussi rapidement, je suis fier de l’équipe qui a réalisé ce retournement, mais on a réveillé l’appétit d’un acquéreur.

« Je pense que dans le contexte, c’est la meilleure chose qui puisse arriver. On est en bien meilleure position qu’on ne l’était en 2019 et l’avenir du groupe est plus solide », souligne-t-il.

Brian McManus confirme qu’il a rencontré le président de la Caisse de dépôt, Charles Emond, la semaine dernière. La Caisse détient 9,5 % des actions d’Uni-Sélect, mais n’est pas l’actionnaire prépondérant. Deux fonds torontois, Birch Hill et Edge Point, ont des positions de plus de 10 %.

« M. Emond m’a posé les mêmes questions que vous. Il voulait savoir pourquoi on vendait. La Caisse de dépôt n’a pas de siège au conseil d’administration. Martin Garant, qui travaille à la Caisse de dépôt, est un administrateur indépendant chez Uni-Sélect », précise Brian McManus.

Est-ce qu’une nouvelle offre d’un autre groupe pourrait survenir dans les prochaines semaines, selon lui ?

« Je ne sais pas. Nos conseillers ont fait une revue du marché et ils sont d’avis que l’offre de LKQ était la plus adéquate pour nous, notamment en raison de la complémentarité de nos activités », estime Brian McManus.