La débâcle de Groupe Sélection lève le voile sur une relation houleuse entre le géant des résidences pour personnes âgées (RPA) et ses banquiers, qui a atteint son point de non-retour. L’affrontement n’est pas terminé, puisque chacune des parties souhaite installer son propre contrôleur aux commandes des procédures de redressement.

Insolvable, Sélection bénéficie maintenant de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) à la suite d’une décision rendue lundi par le juge de la Cour supérieure Michel Pinsonnault. Les résidents n’ont rien à craindre de cette « restructuration financière ». Ce processus n’aura « aucun impact » sur les activités des complexes immobiliers, assure l’entreprise, dans un communiqué.

Les deux parties ont une lecture différente de la situation dans laquelle se trouve l’entreprise fondée par son président Réal Bouclin. Sélection qualifie son manque de liquidités comme une situation temporaire. La pandémie de COVID-19 et ses effets négatifs sur la popularité des RPA, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt pour ses problèmes financiers ainsi que l’intransigeance de ses banquiers sont à l’origine de ses malheurs.

Pour le syndicat bancaire, les mesures déployées par le constructeur-propriétaire et gestionnaire de RPA pour se redresser, soit se départir d’actifs, sont clairement insuffisantes. Les remontrances ont été résumées par l’avocat Luc Morin, qui a déposé une requête au magistrat.

« Elle est absolument nécessaire pour permettre au syndicat bancaire de démontrer l’incapacité chronique de Groupe Sélection de rencontrer ses propres (échéances) de vente et pour démontrer que la valeur de réalisation de son portefeuille et clairement insuffisante pour rembourser la dette garantie », a-t-il expliqué, au juge Pinsonnault.

Groupe Sélection en chiffres :

  • 48 RPA au Québec
  • 7 tours de logements locatifs traditionnels en activité ou en construction
  • 15 projets en développement
  • 3000 employés
  • 14 000 unités d’habitations

Il n’a pas été possible d’avoir le portrait complet puisque des informations « extrêmement sensibles » de la requête, comme les prix minimums que Sélection souhaite obtenir pour ses actifs en vente, ont été caviardées, à la demande de la compagnie.

Du pain sur la planche

Le magistrat Pinsonnault a encore du pain sur la planche. Il doit décider qui chapeautera la restructuration. Les audiences à ce sujet débuteront mardi. Sélection propose une combinaison formée par le contrôleur FTI Consulting et l’homme d’affaires bien connu Herbert Black comme prêteur temporaire jusqu’à 60 millions. De l’autre, le syndicat bancaire est représenté par la firme PricewaterhouseCoopers.

La valeur marchande des immeubles de Sélection est estimée à plus de 3 milliards et la valeur de l’avoir détenue dans ces biens est chiffrée à 1,3 milliard. La part de la compagnie est estimée à approximativement 410 millions.

C’est un prêt de 260 millions qui pose principalement problème, selon les allégations de Sélection dans sa requête. Le syndicat bancaire est formé de la Banque Nationale, la CIBC, Desjardins, la Banque TD, BMO, HSBC, Briva Finance et Fiera.

À bout de patience de ne pas se faire payer, le syndicat bancaire a décidé de rappeler le prêt, déclenchant une cascade de problèmes pour Sélection. Le premier avis de défaut a été reçu par Sélection le 25 mai dernier. Les démarches du géant des RPA pour se refaire une santé financière en vendant des immeubles n’ont pas été à la hauteur des attentes des banquiers. Selon eux, Sélection continuait à rater ses échéances de remboursement. Dans sa requête, l’entreprise dénonce cette « pression accrue ».

« Les agissements du syndicat des prêteurs ont jusqu’à maintenant contribué à la crise de liquidité que vivent actuellement les parties (qui se tournent vers la LACC) », peut-on lire.

Mais l’endettement de Sélection ne se limite pas à ce prêt de 260 millions. Ses résidences sont hypothéquées à hauteur de 2 milliards, incluant une somme de 925 millions attribuable aux sociétés du Groupe Sélection. De plus, la société doit 118 millions à des fournisseurs et des créanciers ordinaires en date du 30 juin 2022.

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  • 1989
    Année de fondation de Groupe Sélection
    groupe sélection