(Paris) Redoutable homme d’affaires, hyperactif sur Twitter, entretenant l’image de « self made man », Changpeng Zhao, le patron du géant des cryptomonnaies Binance, est l’une des personnalités les plus en vue de l’univers des devises virtuelles.

Son offre de rachat avortée de la plateforme rivale FTX a semé la confusion dans le secteur, mais elle a aussi démontré l’influence de celui qui se fait appeler CZ.

Poker

Né en Chine, le dirigeant de 45 ans a émigré avec sa famille à Toronto à la fin des années 1980 et acquis la nationalité canadienne.

Dans plusieurs interviews, il a insisté sur ses débuts modestes, affirmant avoir été cuisinier chez McDonald’s et pompiste dans une station essence.

Après avoir étudié les sciences informatiques à Montréal, CZ a travaillé à Tokyo et New York avant de retourner s’installer un temps en Chine.

Il assure avoir entendu parler pour la première fois des cryptomonnaies à Shanghai autour d’une table de poker en 2013. Quatre ans plus tard, il lançait Binance, une plateforme d’échanges qui allait connaître un succès éclair.

Fort de ses plus de 120 millions de clients, le groupe est aujourd’hui, de loin, le plus gros acteur du secteur en volume d’échanges.

La fortune de CZ est estimée à 17,4 milliards de dollars par le magazine Forbes, ce qui fait de lui la 88e personne la plus riche de la planète. Elle a néanmoins fondu depuis le début de l’année avec la dégringolade du marché des cryptomonnaies.

CZ cultive un style décontracté et arbore dans la plupart de ses interventions un polo noir avec le logo de Binance, qu’il s’est aussi fait tatouer sur le bras droit.

« Plus normal » que Musk

Le dirigeant s’exprime abondamment sur Twitter, faisant partager à ses 7,5 millions d’abonnés ses perspectives sur les cryptomonnaies, des nouvelles de son entreprise, mais aussi des publications humoristiques.

Un mode de communication qui rappelle celui d’Elon Musk, le nouveau propriétaire du réseau social à l’oiseau bleu.

Binance a d’ailleurs déboursé un demi-milliard de dollars pour aider le bouillonnant entrepreneur à racheter la plateforme.

Malgré le chaos ambiant chez Twitter, entre licenciements de masse et cacophonie sur le nouveau système d’authentification des comptes, CZ a plaidé l’indulgence pour M. Musk,  jugeant lors du récent Web Summit de Lisbonne qu’il lui faudrait du temps pour prendre ses marques.

Interrogé par l’AFP en juin sur la comparaison avec le patron de Tesla et de SpaceX, qu’il n’a jamais rencontré en personne, CZ a joué la carte de l’humilité.  

« Elon est un entrepreneur beaucoup plus fort », avait déclaré le patron de Binance, alors présent à Paris pour le salon VivaTech. « Je suis un gars plus normal. »

Pas de siège social

Plusieurs enquêtes de l’agence Reuters ont révélé que Binance avait servi de vecteur pour le blanchiment d’argent ou le transit de fonds appartenant à des ressortissants de pays frappés par des sanctions américaines.

Si la plateforme a démenti avec fermeté la plupart de ces accusations, elle a reconnu la semaine dernière avoir eu des « interactions » avec des utilisateurs de bourses d’échanges iraniennes de cryptomonnaies sans préciser le nombre de comptes ou les sommes impliquées.

Binance a également été victime en octobre d’un piratage, dont l’ampleur a été évaluée à environ 100 millions de dollars.

Par ailleurs, le fait que la société n’ait pas de siège mondial, malgré des bureaux régionaux ouverts à Paris, Abou Dabi, Dubaï et Bahreïn, interroge certains régulateurs.

Les autorités du Royaume-Uni ont ainsi estimé l’an dernier que les activités du groupe ne pouvaient être supervisées correctement et posaient un risque aux consommateurs.

Aux États-Unis, Binance est dans le collimateur du gendarme de la Bourse, la SEC, selon des informations du Wall Street Journal.

Pour l’heure, ces obstacles n’ont pas ébranlé la réputation de Binance et celle de son patron, pas plus que la volte-face sur l’acquisition de la branche non américaine de FTX.

« Triste journée », a tweeté mercredi soir CZ après l’abandon du projet de rachat et la descente aux enfers de son concurrent.  

« J’ai essayé, mais… » avant d’ajouter un emoji de visage pleurant à chaudes larmes, un message qui a recueilli 73 500 mentions « J’aime ».