Aux prises avec des ennuis financiers, Marché Goodfood met fin à son service de livraison d’épicerie sur demande, une initiative lancée il y a un peu moins d’un an qui devait incarner l’avenir de l’entreprise.

Les livraisons sur demande se termineront au milieu de la semaine prochaine. La fermeture des neuf microcentres de distribution de l’entreprise suivra. Une cinquantaine de personnes travaillent dans ces microcentres. Certains employés pourront être réaffectés ailleurs dans l’entreprise.

Le service de livraison rapide (en 30 ou 60 minutes) était offert à Montréal et à Toronto. Environ 40 000 clients l’ont utilisé. La stratégie originale était d’étendre ce service à la grandeur du Canada. Goodfood avait précédemment indiqué qu’elle prévoyait ouvrir jusqu’à 20 microcentres de distribution.

La direction juge que les investissements requis pour que les livraisons en 30 minutes atteignent un niveau de rentabilité « attrayant » nécessiteraient des dépenses additionnelles trop importantes dans le contexte macroéconomique actuel.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Un centre de distribution de Goodfood

Une charge pouvant dépasser les 50 millions de dollars sera maintenant inscrite dans les états financiers.

« C’est une journée difficile. On est tristes d’annoncer la fermeture de ce service », commente Jonathan Ferrari, cofondateur et PDG de Goodfood.

Dans un contexte économique incertain, on doit se concentrer sur nos activités principales pour assurer la stabilité de l’entreprise. Ultimement, ce sont des décisions difficiles qui sont nécessaires.

Jonathan Ferrari, cofondateur et PDG de Goodfood

L’entreprise recentre maintenant ses activités sur ses livraisons hebdomadaires de paniers-repas et de produits complémentaires. « On a près de 200 000 clients actifs qui utilisent ce service », dit Jonathan Ferrari.

Il admet que la décision soulève assurément des doutes au sujet de l’entreprise. « On n’a jamais vécu une grande récession. On se prépare au pire pour assurer la continuité », dit-il.

Environ 500 produits Goodfood qui étaient en vente sur demande resteront disponibles pour la livraison hebdomadaire.

Situation « précaire »

La situation financière de Goodfood est jugée « précaire » par l’analyste Martin Landry, de la firme Stifel/GMP.

Pour sa survie, Goodfood se doit d’améliorer sa performance financière afin d’atteindre son objectif de dégager un bénéfice d’exploitation durant la première moitié de l’exercice financier 2023 et ainsi limiter les besoins en financement externe.

L’entreprise fondée en 2014 s’étant d’abord fait connaître pour ses repas prêts à cuisiner a manqué à un engagement financier cet été. La situation a mené Marché Goodfood à conclure une entente avec ses prêteurs (Desjardins, CIBC et Investissement Québec), limitant du coup la disponibilité d’une partie de ses facilités de crédit.

Début septembre, l’entreprise disposait de 38 millions en trésorerie et tente actuellement de conclure un arrangement révisé de ses facilités de crédit. Rien ne garantit qu’un tel arrangement sera mis en place ni qu’il le sera en temps opportun.

Marché Goodfood avait annoncé en novembre dernier le lancement de son service de livraison rapide de produits d’épicerie et de solutions de repas sur demande. Au printemps, Jonathan Ferrari soutenait encore qu’il misait sur son nouveau service permettant la livraison en 30 minutes pour permettre à Goodfood de renouer avec la croissance.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Ferrari

La mise à jour de la situation financière et de la stratégie annoncée vendredi est qualifiée de « préoccupante » par l’analyste Michael Glen, de la firme Raymond James.

Cet expert souligne que Goodfood a dépensé plus de 120 millions depuis un peu plus d’un an essentiellement pour développer un service de livraison d’épicerie. « Ça s’est avéré une initiative extrêmement coûteuse », dit-il.

Michael Glen s’attend à ce que Goodfood ait besoin de financement l’an prochain et qu’il pourrait être difficile pour l’entreprise d’émettre des actions pour trouver des liquidités. « L’entreprise aura un défi de taille à relever afin d’y parvenir en raison des conditions de marché et de ce qui vient de se passer avec le service de livraison sur demande. »

Le contexte actuel et la forte inflation affectent assurément les activités et la demande pour les produits de Goodfood alors que les consommateurs se tournent de plus en plus vers des produits moins coûteux.

Goodfood prévoit que la perte d’exploitation ajustée du quatrième trimestre se situera entre 2 et 4 millions. « C’est beaucoup moins élevé que le consensus qui s’articulait autour d’une perte d’exploitation de 8,9 millions. Ça devrait être perçu positivement et ça laisse entrevoir que l’entreprise pourrait générer un bénéfice d’exploitation plus vite qu’anticipé », souligne Martin Landry.

Après avoir atteint un sommet de 13 $ en janvier l’an passé, l’action de Marché Goodfood a glissé sous la barre des 1 $ dans les dernières semaines à la Bourse de Toronto. Le titre a cédé 22 % de sa valeur restante vendredi pour clôturer la semaine à 59 cents.