Un entrepreneur dans la ligne de mire de la justice israélienne pour le rôle central qu’il aurait joué dans une arnaque massive était impliqué dans Celsius Network à ses débuts. Le fondateur de la cryptobanque, Alex Mashinsky, qui vient de démissionner, assurait pourtant le contraire lorsque Moshe Hogeg a été épinglé, l’automne dernier, quelques semaines après l’investissement de 200 millions effectué par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

« Ce type dont vous avez parlé, ce Hogeg, n’a rien à voir avec Celsius », a répondu M. Mashinsky, le 24 novembre dernier, à un représentant du blogue Dirty Bubble Media, à l’occasion d’une séance de questions et de réponses qui se déroulait en ligne.

L’entrepreneur se prêtait régulièrement à cet exercice avant que Celsius Network ne se place sous la protection américaine de la loi sur les faillites en juillet dernier – une décision qui a contraint la CDPQ à radier de ses livres son placement de 200 millions.

Trois jours plus tôt, le 21 novembre, Moshe Hogeg avait été arrêté avec sept autres personnes – dont l’ex-chef de la direction financière de Celsius Network, Yaron Shalem. Selon la police israélienne, ces individus feraient partie d’un groupe qui aurait touché « plusieurs centaines de millions de shekels » (la monnaie nationale d’Israël) dans le cadre de stratagèmes qui se sont déroulés sur une « longue période ».

Ces allégations n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal. M. Hogeg nie les faits qui lui sont reprochés.

Après la rafle policière survenue l’automne dernier, M. Mashinsky n’avait pas mis de temps à se distancier de M. Hogeg. Si cet entrepreneur n’apparaît nulle part sur le site web de Celsius Network, sa photo est bien visible sur une version archivée de 2018 que La Presse a pu consulter. M. Hogeg figurait parmi l’équipe de conseillers de la cryptobanque.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DE CELSIUS NETWORK

Moshe Hogeg, arrêté l’automne dernier en Israël, a joué le rôle de conseiller auprès de Celsius Network à ses débuts.

Au cours de la même période, M. Mashinsky occupait un rôle similaire chez Sirin Labs, une entreprise de M. Hogeg.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB SIRIN LABS

Alors qu’il était à la tête de Celsius Network, Alex Mashinsky a été conseiller pour une firme dont le président est dans la ligne de mire de la justice israélienne.

Il n’a pas été possible de savoir pourquoi le fondateur de Celsius Network avait nié l’implication de M. Hogeg au sein de la cryptobanque l’an dernier. M. Mashinsky et l’entreprise n’ont pas répondu aux questions de La Presse. Celui-ci a démissionné, mardi, en disant « regretter » que son « rôle continu de chef de la direction soit devenu une distraction croissante ». M. Mashinsky demeurera néanmoins au conseil d’administration.

On ne retrouve plus de traces du passage de M. Mashinsky sur le site de Sirin Labs. Toutefois, cette entreprise apparaît toujours sur le site de Governing Dynamics – la firme de capital de risque fondée par le dirigeant de Celsius Network.

D’autres drapeaux rouges

Les liens passés entre MM. Mashinsky et Hogeg ont été remarqués dans l’univers de la cryptomonnaie. Ils ont amplifié les doutes de l’investisseur américain spécialisé dans les cryptomonnaies Mike Alfred à l’endroit de Celsius Network et de sa haute direction.

« Je pense avant tout que c’est [Celsius] une histoire de coup d’argent rapide [money grab] d’un type qui aime dépenser beaucoup d’argent, dit-il. La crypto est une bonne façon d’accéder à de grandes quantités de capitaux. C’est le Far West. Il n’y a pas d’audit, personne qui regarde par-dessus votre épaule. »

Le son de cloche est similaire du côté de Cory Klippsten, chef de la direction de Swan Bitcoin, qui avait déjà des doutes sur la véracité des accomplissements passés de M. Mashinsky.

« Avec un peu d’attention, on pouvait facilement déceler de nombreux voyants rouges », dit-il.

Consultez Un entrepreneur au passé nébuleux

En réponse aux questions de La Presse, la Caisse n’a pas voulu dire si elle était au courant des liens entre MM. Mashinsky et Hogeg.

Yaron Shalem s’occupait des finances de Celsius Network lorsque la CDPQ et Westcap sont devenus actionnaires de l’entreprise. Les faits qui lui sont reprochés seraient survenus avant son arrivée au sein de la cryptobanque. M. Shalem a quitté l’entreprise en décembre 2021.

Néanmoins, avant d’être recruté par Celsius Network, M. Shalem a été employé de sociétés fondées par M. Hogeg pendant au moins quatre ans. Selon son profil LinkedIn, il a été responsable des finances de Mobli et de la firme Singulariteam entre 2014 et 2018.

Avec la collaboration de Martin Vallières, La Presse

Sous la loupe des autorités

Alex Mashinsky s’est retrouvé sous la loupe des autorités fiscales américaines (Internal Revenue Service) l’automne dernier avant l’annonce de la ronde de financement menée par Celsius Network auprès de la CDPQ et de Westcap. Selon les documents consultés par La Presse, une réclamation d’environ 1 million CAN a été enregistrée sur son condo new-yorkais de Manhattan parce que des sommes impayées étaient en souffrance. « Nous avons fait une demande de paiement de cette dette, mais elle reste impayée », écrit l’IRS, dans le document daté du 5 octobre 2021. L’agence américaine ne donne pas plus de détails sur le litige. L’affaire s’est terminée en août dernier, puisque les sommes ont été acquittées.

En savoir plus
  • 1,7 million
    C’est le nombre de déposants de Celsius Network qui ont vu leurs actifs gelés en juin dernier par la cryptobanque.
    source : Celsius network