C’est un siège social qui passe sous contrôle étranger, mais dans le giron de Paper Excellence, les occasions de conversion d’usines seront probablement plus grandes pour Produits forestiers Résolu, croit Richard Garneau, ex-grand patron de la plus importante société forestière du Québec.

À la retraite, le vétéran de l’industrie, qui a piloté la relance du géant forestier de 2011 à 2018 au terme de sa restructuration judiciaire, voit d’un bon œil la transaction de 2,7 milliards US annoncée le 6 juillet dernier.

La principale raison, selon M. Garneau ? Paper Excellence envisage déjà un changement de vocation pour l’usine de papier journal — un secteur en déclin constant – de Résolu située à Gatineau. Si la transaction obtient toutes les approbations nécessaires, une étude de faisabilité sera réalisée pour une éventuelle conversion du site vers le papier d’emballage.

Dans le carton, la demande est en croissance. Ils auront besoin de pâte kraft pour en produire, soit celle des usines de Saint-Félicien et de Thunder Bay [en Ontario]. S’ils ont du succès à Gatineau, cela va prolonger la vie des autres usines de pâte.

Richard Garneau, ex-grand patron de Produits forestiers Résolu

L’étude de faisabilité pourrait prendre jusqu’à 24 mois. Paper Excellence, une société à capital fermée, est en train d’accomplir ce type de transformation au Tennessee dans le cadre d’un projet de 350 millions US.

Cette entreprise est établie en Colombie-Britannique, mais elle appartient à l’homme d’affaires indonésien Jackson Widjaja. Celui-ci est issu de la famille derrière le conglomérat Sinar Mas, dont la division de pâtes et papiers Asian Pulp and Paper (APP) est un géant mondial du papier en Indonésie ainsi qu’en Chine.

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L’an dernier, Paper Excellence a aussi mis la main sur Domtar — spécialisée dans la production de carton et de papiers de spécialité — pour environ 3 milliards US après avoir acheté, en 2019, Catalyst Paper. Au cours de sa longue carrière, M. Garneau a travaillé pour ces deux dernières entreprises.

Jusqu’à présent, Paper Excellence n’a pas hésité à délier les cordons de la bourse pour investir dans sa croissance dans l’Ouest. Au Québec, la société deviendra aussi propriétaire de l’usine Kénogami (Saguenay), capable de produire des filaments de cellulose, qui permettent d’augmenter la durabilité de plusieurs matériaux.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Vétéran de l’industrie forestière, Richard Garneau, photographié ici en 2014, a dirigé Résolu de 2011 à 2018.

Une conversion réussie à Gatineau pourrait « éventuellement » susciter des espoirs pour les usines de papier journal d’Amos et de Baie-Comeau, qui sont fermées depuis 2020, croit M. Garneau, en prenant soin d’ajouter qu’il faudra s’armer de patience.

« J’insiste sur le mot éventuellement, affirme l’ex-grand patron de Résolu en entrevue téléphonique avec La Presse. C’est certain que ce n’est pas dans un avenir rapproché. »

Un « faux débat »

Compte tenu du poids de Résolu dans l’industrie, son acquisition par un acteur étranger laisse présager un contrôle de la forêt québécoise par des intérêts situés à des milliers de kilomètres du Québec. Interrogé, M. Garneau estime qu’il s’agit d’un « faux débat ».

C’est attaché aux scieries. Les scieries produisent des copeaux pour les usines de pâte. Ç’a beau être en Indonésie [APP], le bois est attaché aux scieries pour approvisionner les usines de pâte.

Richard Garneau, ex-grand patron de Produits forestiers Résolu

Résolu exploite 15 scieries au Québec.

Professeur au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval, Luc LeBel est d’accord avec l’analyse de la transaction offerte par M. Garneau.

PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN

Luc LeBel est professeur au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval.

« Les coûts pour convertir des usines sont énormes, affirme-t-il. Résolu ne donnait pas l’impression de pouvoir réaliser ce genre d’investissement. Un investisseur qui a des fonds pour réaliser des conversions, c’est ce qu’on a ici. »

Puisque Paper Excellence n’exploite aucune scierie au Québec, M. LeBel n’est pas inquiet outre mesure du changement de contrôle. Les activités de sciage sont « importantes » chez Résolu et son acquéreur a « très peu d’expertise dans ce secteur », souligne le professeur. Il s’attend à ce que Paper Excellence mise sur l’expertise de la société québécoise.

Entente de principe ratifiée chez Résolu

Les syndiqués d’Unifor viennent d’entériner dans une proportion de 67 % leur nouveau contrat de travail d’une durée de quatre ans qui concerne les huit scieries de Produits forestiers Résolu. Le contrat prévoit d’importantes augmentations de la rémunération, soit des « ajustements » de 2,50 $ l’heure dès la ratification du contrat et de 1,00 $ l’heure à compter du 1er mai 2024 pour les travailleurs de métier. Les employés de la production, quant à eux, toucheront des « ajustements » de 1,25 $ l’heure à la ratification du contrat et de 1,25 $ l’heure à compter du 1er mai 2024. À ces sommes, il faut ajouter des augmentations de salaire de 3 % la première année, de 1,30 $ l’heure la deuxième année, de 3 % la troisième année et de 1,30 $ la quatrième année. Ce contrat, qui sert ensuite de modèle à Unifor pour négocier dans d’autres entreprises de l’industrie, concerne 1000 travailleurs dans huit scieries à Comtois, Girardville, La Doré, Maniwaki, Mistassini, Normandin, Saint-Thomas et des Outardes, à Baie-Comeau.

La Presse Canadienne

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    Sites exploités par Résolu au Québec dans les secteurs des produits du bois ainsi que des pâtes et papiers.
    SOURCE : la presse