Le Groupe Papier Excellence, de Colombie-Britannique, propriétaire de Domtar, fera l’acquisition de Résolu, entreprise forestière et papetière qui détient quelque 25 installations au Québec

L’acheteur propose de payer 20,50 $ US par action de Produits forestiers Résolu, ce qui représente une prime de 64 % par rapport au cours de clôture de l’action mardi. De plus, les actionnaires de Résolu auront droit au remboursement éventuel des droits de douane jusqu’à un maximum de 500 millions US.

Si on tient compte de la dette (environ 100 millions US) et du déficit de la caisse de retraite (environ 900 millions US), la transaction est évaluée à 2,7 milliards US, explique dans un entretien Patrick Loulou, vice-président du conseil et chef de la stratégie du Groupe Papier Excellence.

L’argent n’est pas un problème

Papier Excellence, société privée, se positionne comme un consolidateur de l’industrie des pâtes et papiers à l’échelle nord-américaine à une époque de décroissance et de profonds changements structurels dans la demande avec la décroissance dans le papier journal et le papier de bureau et la hausse de la consommation dans le carton.

PHOTO DANIEL ACKER, ARCHIVES BLOOMBERG

Des troncs d’arbre sont déchargés d’un wagon pour être transformées en papier à l’extérieur de l’usine de papier de Domtar à Rothschild, dans le Wisconsin.

Créée en 2007, Papier Excellence a mis la main sur Catalyst Paper en 2019 et sur certains moulins de MacMillan Bloedel. Alors concentrée dans l’Ouest canadien, Papier Excellence a ensuite acquis Domtar, qui faisait deux fois sa taille, pour environ 3 milliards US, l’an dernier.

Papier Excellence appartient à 100 % à l’Indonésien Jackson Widjaja. M. Widjaja est issu de la famille possédant le conglomérat Sinar Mas, dont la division de pâtes et papiers Asian Pulp and Paper est un géant mondial du papier, actif en Indonésie et en Chine. La famille Widjaja a une fortune estimée à 10 milliards US par le magazine Forbes.

Papier Excellence détient aussi des actifs en France et au Brésil. Dans l’Hexagone, M. Widjaja a racheté en 2010 deux usines appartenant à Tembec. En Amérique du Sud, l’entreprise a obtenu le feu vert pour acquérir Eldorado Brasil Celulose SA pour près de 3 milliards US.

Si nos calculs sont bons, M. Widjaja aura investi environ 9 milliards US depuis 2017 dans les pâtes et papiers avec les acquisitions de Domtar, d’Eldorado et, maintenant, de Résolu.

« Nous estimons que le marché du bois d’œuvre présente un fort potentiel, dit Patrick Loulou. La construction résidentielle est en hausse partout en Amérique du Nord et elle continuera de croître dans les prochaines années. Résolu est bien positionnée pour y faire face. De plus, grâce aux moyens financiers du Groupe Papier Excellence, sa direction aura les moyens d’investir pour croître. »

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Aucune fermeture, promet-on

Si l’achat de Résolu par Domtar, filiale du Groupe Papier Excellence, va de l’avant, les deux sociétés continueront d’être exploitées de façon autonome, soutient M. Loulou. Le siège social de Résolu à Montréal, qui emploie environ 370 personnes, restera ouvert, de même que le bureau administratif de Domtar à Montréal, où travaillent 425 personnes. Ce bureau s’occupe principalement des technologies de l’information, des finances et des questions juridiques et environnementales, précise M. Loulou, ancien de Domtar.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Siège social de Résolu, rue De La Gauchetière Ouest, à Montréal

De plus, l’acquéreur prévoit conserver les sites de production et les niveaux d’emploi de Résolu.

Selon M. Loulou, les actifs de Domtar et de Résolu sont complémentaires, puisque Domtar n’est ni dans le bois d’œuvre, ni dans le papier tissu, ni dans le papier journal, trois forces de Résolu.

Les usines fermées d’Amos et de Baie-Comeau sont incluses dans la transaction, mais le communiqué ne dit rien quant à leur avenir.

PHOTO YVES TREMBLAY, LES YEUX DU CIEL, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

L’usine fermée de Résolu à Baie-Comeau

En revanche, Papier Excellence entreprendra une étude de faisabilité détaillée pour la conversion éventuelle de l’usine de papier journal de Résolu à Gatineau, au Québec, pour la production de papier d’emballage. Le travail prendra de 18 à 24 mois et coûtera des millions. Papier Excellence est en train d’accomplir ce genre de transformation à l’usine de Domtar au Tennessee au coût de 350 millions US. La proximité des marchés de consommation explique pourquoi ce projet est étudié à Gatineau plutôt qu’à Amos ou à Baie-Comeau, précise M. Loulou.

« Dommage », dit Québec

Dans une entrevue avec La Presse en janvier dernier, le ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, avait indiqué être prêt à participer au financement de la conversion des machines des papetières dans la province comme elle l’a déjà fait avec Kruger.

Relisez l’article « Québec prêt à sauver d’autres usines… mais pas toutes »

« C’est toujours dommage quand une compagnie avec un siège social au Québec est vendue, dit Mathieu St-Amand, attaché de presse du ministre, dans un courriel. Le nouvel acquéreur, le Groupe Papier Excellence souhaite maintenir les emplois du siège social de Montréal et nous allons travailler avec eux dans ce sens. Depuis 2018, nous avons investi plus de 250 millions dans des entreprises qui souhaitent renforcer leur siège social au Québec. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Une conversion comme celle envisagée à Gatineau nécessite un investissement de 600 millions à 1,2 milliard de dollars canadiens, selon Jean-François Samray, PDG du Conseil de l’industrie forestière du Québec, qui, par ailleurs, se réjouit de la transaction.

« Un acquéreur ne va pas payer une prime importante sur le prix des actions pour ensuite fermer des actifs. On est en présence d’un acquéreur qui y voit une valeur ajoutée, qui sait qu’il va devoir investir et qui fait le choix d’aller de l’avant. C’est une très bonne nouvelle », dit M. Samray, dont l’organisme défend les intérêts des forestières et des papetières.

La transaction doit se conclure d’ici la fin du premier semestre 2023 après acceptation par les actionnaires et les autorités réglementaires.

Inquiétudes au Saguenay

Le conseiller municipal de Saguenay Jean-Marc Crevier s’interroge sur ce qu’il adviendra des usines présentes au Saguenay–Lac-Saint-Jean ainsi que du projet innovateur de mise en production de fibre cellulosique à l’usine de Kénogami, pour lequel un investissement de 38 millions avait été annoncé. « On est en droit de se demander si Domtar va continuer le projet de fibre cellulosique, qui représente un projet d’avenir pour l’usine de Kénogami et qui peut assurer une croissance de la production et des emplois. » M. Crevier ajoute que le gouvernement du Québec devrait avoir un mot à dire sur la transaction compte tenu des droits hydrauliques qu’il accorde pour l’exploitation du réseau de centrales hydroélectriques au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Le Quotidien

En savoir plus
  • Principaux actifs de Résolu au Québec
    Siège social au centre-ville de Montréal
    Usine de pâte kraft à Saint-Félicien
    Usines de papier à Alma, Dolbeau, Kénogami, Clermont et Gatineau
    Usine de rabotage à Normandin et à Senneterre
    15 scieries
    Hydro-Saguenay : 7 centrales, puissance installée de 170 MW
    Source : Produits forestiers Résolu