(Ottawa) La présidente-directrice générale de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), Tracy Robinson, a évité de présenter ses excuses pour l’absence de francophone au sein de son conseil d’administration comme le lui avait demandé le député néo-démocrate Alexandre Boulerice. C’est une question de semaines avant qu’un Québécois soit nommé, a-t-elle toutefois précisé aux élus fédéraux mercredi.

La haute dirigeante a été invitée à s’expliquer devant le comité permanent sur les langues officielles dans la foulée de la controverse sur l’absence d’administrateurs francophones même si le siège social du CN est à Montréal et qu’il est assujetti à la Loi sur les langues officielles.

La Presse avait révélé en avril que le CN n’avait retenu aucun Québécois1 pour se joindre à son équipe de 11 administrateurs, mais avait plutôt choisi deux Américains et une Albertaine. Le CN tente maintenant de corriger le tir. L’entreprise a embauché une firme pour recruter un administrateur francophone résidant au Québec.

« Ils examinent le nombre important de candidatures qui ont été mises de l’avant et je crois que bientôt, dans une courte période de temps, nous allons faire une annonce », a indiqué Mme Robinson.

« Je voudrais avoir un horizon plus précis, a exigé le député Joël Godin. Est-ce que c’est dans le prochain mois, dans les prochains six mois, dans la prochaine année ? »

Je m’attends à avoir une rencontre avec la firme de recrutement lundi. C’est une priorité pour moi, c’est une priorité pour notre conseil d’administration, et je m’attends à ce que ça soit une question de semaines et non d’années.

Tracy Robinson, présidente-directrice générale du CN

Le CN avait indiqué avoir été pris de court lorsque l’ex-premier ministre québécois Jean Charest a démissionné pour briguer la direction du Parti conservateur du Canada. Il avait été nommé au conseil d’administration de l’entreprise 22 jours plus tôt pour un mandat de cinq ans.

« Qu’est-ce qui fait que c’est si long que ça de trouver un francophone pour être sur le conseil d’administration ? », a demandé le député bloquiste Mario Beaulieu à Mme Robinson.

« Il ne s’agit pas de trouver un administrateur francophone du Québec, il s’agit de le choisir », a-t-elle précisé. L’horaire de la personne doit être aligné avec celui du conseil d’administration, dont les réunions sont prévues cinq ans à l’avance.

Mario Beaulieu a fait valoir qu’il devrait y avoir trois administrateurs francophones pour refléter la diversité linguistique canadienne.

Pas d’excuses

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice a carrément demandé à la PDG de s’excuser au nom de l’entreprise « de la situation » qui a mené à l’absence de francophone au conseil d’administration du CN, soit le fait qu’il n’y en avait qu’un seul avant le départ de Jean Charest. « Êtes-vous consciente que pour beaucoup de Québécois, c’était une situation qui était non seulement fâchante, mais insultante ? »

Mme Robinson a répondu qu’elle était bien au fait de la déception que cela avait causé. « Ce que j’offre, c’est [un] engagement à nommer très bientôt un administrateur francophone [du] Québec », a-t-elle indiqué en français, tout en évitant de présenter ses excuses.

Sur la question d’imposer un quota de francophones au sein des conseils d’administration des entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles, elle s’est contentée de répondre que cette question relève du Parlement fédéral. Le projet de loi C-13 pour moderniser cette législation est à l’étude et certains élus se demandent si des quotas devraient y être ajoutés2 depuis la tempête linguistique soulevée par le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, et la controverse au CN.

Mme Robinson a alterné entre le français et l’anglais. Elle a souligné à plusieurs reprises avoir déménagé de l’Ouest canadien pour venir s’établir à Montréal et s’être mise à l’apprentissage du français depuis son arrivée, il y a trois mois.

La PDG a insisté sur l’histoire centenaire du CN à Montréal. Les deux tiers des cadres nord-américains de l’entreprise et 90 % des cadres au Québec parlent français, a-t-elle indiqué. « Au CN, tous les employés peuvent utiliser la langue officielle de [leur] choix et recevoir toutes les communications du CN dans cette langue », a-t-elle soutenu.

Son témoignage contrastait avec les révélations récentes d’employés du CN à La Presse3. L’un d’eux avait reçu un courriel lui demandant de façon péremptoire d’expliquer les raisons pour lesquelles il voulait qu’un message opérationnel soit rédigé en français. Les communications du CN ont beau être dans les deux langues officielles, la réalité est très différente, selon eux.

Le syndicat des Teamsters se plaint d’ailleurs depuis deux ans que le français est mis à mal dans cette entreprise ferroviaire qui offre ses services d’un bout à l’autre du pays.

1. Lisez « Les francophones écartés de la table du C.A. » 2. Lisez « Des quotas pour les conseils d’administration ? » 3. Lisez « Une langue déplumée en milieu de travail »