Un acteur de la filière batterie à l’avenir incertain poursuivra ses activités dans le giron d’une entreprise canadienne, ambitieuse d’accroître son empreinte au Québec au fil du temps, mais qui risque d’avoir besoin des fonds publics pour y parvenir.

Établie à Vancouver, Nano One accepte de verser 10,25 millions au géant chimique britannique Johnson Matthey pour lui acheter son usine de Candiac, située en banlieue sud de Montréal.

Celle-ci produit des matériaux de cathodes – principal élément de la batterie d’un véhicule électrique – pour les batteries LFP (lithium-fer-phosphate). Pour réduire les coûts, le nouveau propriétaire remplacera l’hydroxyde de lithium par du carbonate de lithium dans le procédé de fabrication.

« Il y a beaucoup de savoir-faire et c’est ce qui nous intéressait », affirme le président-directeur général de Nano One, Dan Blondal, en entrevue téléphonique avec La Presse mercredi. « L’usine va accélérer notre courbe d’apprentissage. »

Le site compte une quarantaine d’employés. Tout le monde conservera son gagne-pain, assure M. Blondal. Nano One effectue sa recherche et développement à Vancouver, mais sa production commerciale sera réalisée à Candiac.

Plus sensibles au froid

À l’automne 2021, Johnson Matthey avait conclu que le créneau des matériaux de batteries demandait trop d’argent. Elle tentait de se défaire de son usine québécoise, mais peu de prétendants ont levé la main. L’unique offre publique émanait de la société minière Lithium Australia, qui proposait environ 25 millions. Johnson Matthey n’a pas voulu dire pourquoi elle avait opté pour Nano One.

Surtout utilisées dans des applications robotiques, les batteries LFP se distinguent par rapport à celles à base de nickel, qui dominent l’industrie du véhicule électrique. Elles sont moins coûteuses à produire, ce qui incite des constructeurs automobiles à s’y intéresser malgré certains défauts, comme une plus grande sensibilité au froid.

L’an dernier, Ford, Volkswagen et Stellantis ont dit avoir l’intention d’opter pour des batteries LFP pour leurs véhicules d’entrée de gamme. Ces batteries ont aussi fait leur apparition dans des Model 3 de Tesla.

Une aventure coûteuse

Le site de Candiac produit annuellement 2400 tonnes de matériaux pour cathodes. Une usine à grande échelle peut produire annuellement entre 50 000 et 100 000 tonnes, selon certains spécialistes.

Pour y parvenir, des centaines de millions de dollars sont généralement nécessaires, estime Mark Beveridge, de la firme londonienne Benchmark Mineral Intelligence.

« On parle peut-être de 150 à 300 millions, selon la capacité », affirme l’analyste en entrevue téléphonique avec La Presse. « C’est le genre d’investissement que l’on voit pour une usine à l’extérieur de la Chine. »

Étant donné que la filière batterie en est à ses balbutiements au Canada, M. Beveridge ne serait pas étonné de voir les gouvernements délier les cordons de la bourse afin d’épauler Nano One. Québec et Ottawa ont déjà appuyé financièrement plusieurs projets de cette filière.

Inscrite au Registre des lobbyistes

L’entreprise de Vancouver vient de s’inscrire au Registre des lobbyistes afin d’obtenir des « prêts et subventions » pour épauler le « développement et la commercialisation de procédés pour fabriquer des matériaux de cathodes ». Interrogé, M. Blondal affirme qu’il est trop tôt pour parler des sommes convoitées, mais que l’entreprise discute avec Québec et Ottawa.

« On veut soutenir tout ce qui touche la chaîne des batteries, dit M. Blondal. Les signaux sont assez forts. »

Nano One ne peut avancer une date de clôture pour la transaction. Johnson Matthey doit respecter des obligations commerciales. M. Blondal croit que tout pourrait être finalisé cette année.

L’acquisition a fait bondir le cours du titre de Nano One, mercredi après-midi. À la Bourse de Toronto, l’action s’envolait de 46 %, ou 71 cents, pour coter à 2,25 $.

En savoir plus
  • 75 millions US
    Somme payée par Johnson Matthey en 2015 pour acheter l’usine de Candiac et un laboratoire de recherche en Allemagne.
    Johnson matthey