(New York) Boeing fait face à de nouveaux déboires, entre la suspension de la production du 777X, dont les premières livraisons ont été repoussées à 2025, les charges liées au conflit en Ukraine et les hausses de coûts sur des programmes de défense.

Après la publication de cette nouvelle liste de déconvenues mercredi, le titre du constructeur chutait de 8 % à la mi-séance.

Les premières livraisons du 777X — le plus gros biréacteur au monde lancé en 2013 — étaient initialement prévues en 2020, mais ont déjà été repoussées à plusieurs reprises.

Le groupe a, cette fois-ci, réévalué le temps nécessaire pour satisfaire aux nouvelles exigences formulées par l’agence de supervision de l’aviation, la FAA.

Pour le patron de Boeing, Dave Calhoun, c’est la conséquence de « toutes les leçons apprises » pendant les processus de certification du 737 MAX et du 787.

L’entreprise va, en conséquence, suspendre la production des 777X, au moins jusqu’en 2023, ce qui devrait entraîner des coûts additionnels d’environ 1,5 milliard de dollars.

Elle avait déjà annoncé une charge de 6,5 milliards de dollars pour ce programme en 2021.

Air Force One, avion d’entraînement pour l’armée, conflit en Ukraine… Boeing a par ailleurs enregistré plusieurs grosses charges au premier trimestre, au cours duquel il a subi une perte nette de 1,2 milliard de dollars.

Son chiffre d’affaires total a reculé de 8 % à 14 milliards de dollars.

Vers un retour du 787

Boeing a passé une provision de 660 millions de dollars pour l’avion destiné au président américain Air Force One, aussi appelé VC-25B, et une autre de 367 millions de dollars pour le programme de l’avion d’entraînement militaire T-7A Red Hawk.

Le groupe fait notamment face à des coûts plus élevés chez ses fournisseurs, affectés par les problèmes de chaînes d’approvisionnement, la COVID-19 et l’inflation.

Boeing n’aurait « sans doute » pas dû accepter les termes du contrat discutés avec l’ex-président Donald Trump il y a quatre ans, a reconnu son patron lors d’une conférence téléphonique en évoquant une négociation « très particulière ».

Le constructeur a par ailleurs passé une charge de 212 millions de dollars pour prendre en compte l’impact du conflit en Ukraine et des sanctions imposées contre Moscou.

Du côté des bonnes nouvelles, Boeing a annoncé avoir soumis un « plan de certification » à la FAA pour le long-courrier 787 Dreamliner, en proie à d’importants problèmes de production depuis la découverte de vices de fabrication à l’été 2020.

C’est un pas vers la reprise des livraisons, suspendues depuis mai dernier.

Boeing peut aussi compter sur le retour progressif dans le ciel de son avion-vedette, le 737 MAX, cloué au sol pendant vingt mois après deux accidents mortels.

Le groupe assure qu’il parviendra à atteindre ce trimestre son objectif de produire 31 MAX par mois.

Mais il n’atteindra « probablement » pas son objectif de livrer 500 appareils cette année, a indiqué le directeur financier Brian West lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.

Des questions commencent aussi à se poser pour la certification de la plus grande version du MAX, le 737-10, à l’approche de l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme sur les alertes dans le cockpit.

M. Calhoun estime avoir de « bonnes chances » d’obtenir une dérogation. « Ce qui ne veut pas dire qu’on va l’avoir ; et si on ne l’a pas, c’est un problème », a-t-il ajouté.

Point positif pour Boeing, ses activités de service repartent de l’avant (+15 %) avec la reprise du trafic aérien.

Le groupe s’attend toujours à dégager un flux positif de liquidités sur l’ensemble de l’année.

« Est-ce qu’on est frustrés par le calendrier ? Bien sûr », a reconnu David Calhoun. « Mais on fait des progrès », a-t-il assuré en rappelant que l’aéronautique est un secteur « à cycles longs ».

Mis à part au deuxième trimestre 2021, Boeing n’a plus dégagé de bénéfices depuis 2019. Le constructeur a depuis été touché par la crise des 737 MAX, la pandémie, les vices de fabrication sur le 787 et les retards du 777X.

La « stabilisation de l’intégralité des activités ne se produira pas avant 2024 ou 2025 », avance Michel Merluzeau, du cabinet spécialisé AIR.

Même si des progrès sont faits sur le 737 MAX et sur le 787, il faudra encore plusieurs mois avant que Boeing n’écoule les exemplaires qu’il a en stock. Et plusieurs années seront nécessaires pour la remise sur pied des programmes du 777X et du T-7.

Pendant ce temps, Boeing « ne semble pas développer de stratégie pour ses avions commerciaux au-delà du MAX », déplore le spécialiste.