Le concept de BIXI devient américain, racheté par le géant californien Lyft, impatient d’accroître sa taille dans le segment des vélos en libre-service. Si une entreprise québécoise s’apprête à passer sous contrôle étranger, le quotidien des adeptes du service en vélopartage ne devrait pas être bousculé par la transaction.

Établie à Longueuil, en banlieue sud de Montréal, PBSC Solution Urbaines, l’exploitant à l’international de la technologie (application et services de paiement) connue ici sous le nom de BIXI, deviendra une filiale de l’entreprise établie à San Francisco spécialisée dans les services de covoiturage, de location de véhicules, de trottinettes électriques, de vélos et de livraison de repas.

Pour cette idée québécoise présentée en 2008 et qui s’est implantée dans 45 villes à travers le monde, c’est donc la fin d’un chapitre avec l’arrivée d’un propriétaire étranger. Impossible toutefois de savoir pourquoi le président-directeur général de PBSC, Luc Sabbatini, a accepté une offre d’achat.

« J’ai une journée un peu folle, comme vous pouvez vous en douter, s’est-il limité à dire, lorsque joint au téléphone par La Presse. Je laisse cela aux gens de Lyft pour l’instant. C’est leur annonce et je leur laisse la place. »

PBSC et BIXI Montréal – un organisme à but non lucratif – sont deux entités distinctes depuis 2014. Cette dernière a l’unique mandat de gérer le système de vélopartage dans la métropole.

Selon une source bien au fait du dossier, mais qui n’était pas autorisée à s’exprimer publiquement, PBSC n’était pas dans une situation financière précaire. Celle-ci comptait Lyft, principal concurrent d’Uber dans le marché américain, parmi ses clients depuis quelques années.

« C’est une occasion qui assurera une pérennité à l’entreprise et celle-ci ne changera pas et ne déménagera pas », a dit cette personne.

Croissance rapide

En entrevue, les représentants de l’entreprise américaine ont refusé de dévoiler le prix d’achat ainsi que les détails ayant mené à la conclusion d’une transaction. Mais de toute évidence, l’entreprise québécoise était une cible de prédilection pour Lyft, désireuse d’accélérer sa croissance dans le vélopartage.

PHOTO FOURNIE PAR LYFT

Caroline Samponaro est vice-présidente responsable des politiques en matière de micromobilité chez Lyft.

Dans ce créneau, sa présence ne se limite qu’à neuf endroits aux États-Unis : San Francisco, New York, Los Angeles, Chicago, Washington DC, Denver, Columbus, Minneapolis et Portland. Au sud de la frontière, la société avait acheté Motivate, le plus important exploitant de vélos en libre-service, pour 250 millions US en 2018.

« PBSC est solidement implantée dans des villes complémentaires à celles où nous fournissons nos services », affirme Caroline Samponaro, vice-présidente responsable des politiques en matière de micromobilité chez Lyft.

L’an dernier, l’entreprise californienne a enregistré environ 47 millions de transactions pour des vélos et trottinettes électriques en libre-service. La croissance devrait être notable avec l’ajout des 95 000 vélos déployés par PBSC à travers le monde.

La transaction devrait être finalisée d’ici la fin du mois de juin. Lyft promet que PBSC sera une filiale indépendante. Ses quelque 100 employés conserveront leur poste, comme M. Sabbatini.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Président-directeur général de PBSC, Luc Sabbatini restera en poste.

BIXI est le client de PBSC, qui lui fournit de l’équipement, comme différents types de vélos et les stations. Le service montréalais verse une redevance pour utiliser la technologie du système de vélopartage. Le même modèle est appliqué dans les marchés où l’entreprise québécoise s’est établie.

Même si une entreprise québécoise passe entre les mains d’une société étrangère, Vélo Québec, voué à la promotion de ce mode de transport dans la province, préfère voir le verre à moitié plein.

« Cela montre que l’industrie du vélo en libre-service peut être un joueur important, estime le président-directeur général de l’organisme sans but lucratif, Jean-François Rheault. Lyft ne vient pas sauver PBSC. On parle du leader mondial dans le secteur. Les premiers BIXI développés en 2008 fonctionnent encore. Lyft met la main sur quelque chose qu’elle n’avait pas. »

Professeur de stratégie à HEC Montréal, Louis Hébert souligne qu’il est dommage de voir une entreprise d’ici achetée. Le concept de BIXI était « extraordinaire », mais son propriétaire avait peut-être besoin d’un partenaire pour aller encore plus loin, croit l’expert.

« Peut-être que cette idée québécoise va pouvoir compter sur des compétences qui la feront rayonner davantage, explique M. Hébert. Il y a deux côtés à une médaille. Quand on ne se développe pas assez vite, qu’est-ce qui arrive ? Des concurrents grandissent. [PBSC] n’est pas un monopole. »

BIXI ne change pas

À moyen terme, les usagers de BIXI ne devraient pas voir de différence malgré le changement qui se prépare. BIXI Montréal demeurera responsable de la tarification et continuera d’avoir son mot à dire sur les publicités que l’on retrouve sur les vélos, par exemple.

« J’espère que nous pourrons collaborer à des projets communs comme l’amélioration des quais pour stationner les vélos et d’autres choses du genre, mais cela n’est pas à court terme, dit Jordan Levine, un porte-parole de Lyft. Les villes ne verront pas de changements. »

L’acquisition de PBSC viendra gonfler la taille de Lyft dans la province, mais la transaction n’ouvrira pas la voie à l’arrivée des services de covoiturage de l’entreprise dans la province, selon Mme Samponaro.

Les moments importants de BIXI et PBSC

  • 2008 : Création de la Société de vélo en libre-service (SLVS) pour exploiter BIXI.
  • 2009 : Première saison de BIXI avec 3000 vélos répartis dans 300 stations.
  • 2014 : En difficultés financières, SLVS se place sous la protection de la Loi sur les faillites. BIXI Montréal est créé. La division internationale (PBSC) est vendue à Bruno Rodi.
  • 2015 : Luc Sabbatini devient président-directeur général de PBSC.
  • 2020 : L’entreprise s’installe au Moyen-Orient, à Dubaï.
  • 2022 : Lyft achète PBSC.
En savoir plus
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    PBSC offre actuellement quatre modèles de vélo, dont un électrique. L’entreprise compte plus de 7500 stations installées dans ses différents marchés.
    source : PBSC