(Toronto) Shopify propose des changements à sa structure de gouvernance pour préserver le pouvoir de vote de son fondateur et chef de la direction, Tobi Lütke, en plus d’un fractionnement de ses actions de catégorie A et de catégorie B à raison de dix pour une.

En vertu du nouveau plan annoncé lundi, la société de commerce électronique émettra à M. Lütke une part de fondateur à laquelle sera rattaché un nombre variable de votes. En combinant cette part à ses autres actifs, M. Lütke détiendra 40 % du total des droits de vote de toutes les actions en circulation de la société établie à Ottawa.

Cependant, la part de fondateur prendra fin lorsque M. Lütke n’exercera plus ses fonctions de cadre dirigeant, de membre du conseil d’administration ou de consultant dont l’emploi principal est au sein de l’entreprise, ou lorsque M. Lütke, sa famille immédiate et ses affiliés ne détiendront plus un certain nombre d’actions de catégorie A et de catégorie B égal à au moins 30 % des actions de catégorie B qu’ils détiennent actuellement.

En cas d’extinction de la part de fondateur, M. Lütke convertirait également ses actions de catégorie B restantes en actions de catégorie A.

Ces changements surviennent alors que l’action de Shopify a connu une chute importante ces derniers mois, après avoir fortement grimpé lors des premiers mois de la pandémie de COVID-19.

Malgré tout, M. Lütke, qui a opéré en 2004 le démarrage de Shopify avec un investissement de son beau-père Bruce McKean, parce qu’il n’arrivait pas à trouver un logiciel de commerce électronique pour l’entreprise de planche à neige qu’il était en train de créer, est toujours à sa barre.

Si la proposition « sans précédent » de lundi est approuvée, davantage de contrôle sur la société pourrait éventuellement être arraché à M. Lütke et remis aux actionnaires ordinaires, a souligné Richard Leblanc, professeur de gouvernance, de droit et d’éthique à l’Université York.

Shopify estime que si la conversion était achevée lundi, le nombre total de droits de vote détenus par les actionnaires de catégorie A passerait d’environ 49 % à environ 59 %.

Empêcher une lutte de pouvoir comme chez Rogers

« C’est vraiment unique […] parce que la plupart du temps, le fondateur pense qu’il va vivre éternellement et qu’il ne veut pas abandonner le contrôle », a observé M. Leblanc.

« Il y a de nombreuses entreprises au Canada qui se retrouvent entre les mains d’enfants et d’autres membres de la famille et il existe des études qui suggèrent que […] plus on lègue à un membre de la famille, moins ce membre de la famille devient efficace parce qu’il n’a pas la même expérience et le même dynamisme que le fondateur avait. »

L’arrangement empêcherait également qu’une lutte de pouvoir ne se déroule au sein de la famille du fondateur, comme le géant des télécommunications Rogers Communications l’a vécu l’an dernier, a ajouté M. Leblanc.

Edward Rogers, le fils du fondateur Ted Rogers, a pu remplacer en octobre cinq membres du conseil d’administration malgré les objections d’autres administrateurs, dont sa mère et ses sœurs, parce qu’il contrôlait 97,5 % des actions de catégorie A de l’entreprise.

M. Leblanc croit que davantage d’entreprises suivront l’exemple de Shopify, en particulier après la bataille publique de Rogers, car « il y a une intolérance croissante des investisseurs pour un contrôle absolu par les membres d’une famille ».

La proposition de Shopify est le résultat d’un processus du conseil d’administration, qui a été mené sous la supervision d’un comité spécial d’administrateurs indépendants, a indiqué l’entreprise.

Elle a présenté cette décision comme un moyen de « moderniser » la structure de gouvernance de Shopify, de l’aligner plus étroitement sur les occasions du marché à long terme et de suivre la vision de l’entreprise que M. Lütke a décrite dans une lettre publique de 2015. Dans cette missive, le chef de la direction disait accorder la priorité à la valeur à long terme, par rapport aux occasions de revenus à court terme.

Cette philosophie s’est étendue au cours de l’action. M. Lütke est connu pour exiger que toute personne au bureau surprise en train de vérifier le cours de l’action de l’entreprise pendant la journée achète des Timbits pour son équipe.

Reste que ceux qui ont jeté un coup d’œil ont probablement remarqué que l’action de Shopify avait plongé de plus de 50 % au cours de la dernière année. Elle a clôturé lundi à 780,02 $, en hausse de 22,04 $, alors qu’elle se trouvait à un sommet de 1941,03 $ en novembre.

Le fractionnement des actions nécessite l’approbation d’un vote à la majorité des deux tiers des actionnaires de catégorie A et de catégorie B, votant ensemble comme une seule catégorie, et d’au moins une majorité des votes exprimés par les actionnaires à l’exclusion de M. Lütke et de ses associés et affiliés. La question fera l’objet d’un vote le 7 juin.