(Austin) Des invitations par milliers, un patron adulé par ses fans et un décor de discothèque : l’inauguration de la nouvelle usine Tesla à Austin jeudi a eu des allures de concert de star, dans la tradition désormais rodée d’Elon Musk, qui célèbre la croissance hors norme de son entreprise et son implantation au Texas, loin de la culture californienne.

Chapeau de cowboy et lunettes noires, le fantasque milliardaire est arrivé sur scène en décapotable devant une forêt de téléphones intelligents, au son d’un morceau de rap, sous les acclamations de la foule. La retransmission en direct sur l’internet a même montré le visage d’une jeune femme essuyant une larme d’émotion.

L’évènement était prévu pour accueillir jusqu’à 15 000 personnes, sur invitation uniquement, avec, au programme, des animations, barbecue, open bar, tatouages, groupes de musique, feux d’artifice…  

Baptisée « Giga Texas », l’usine couvre un terrain équivalent à une centaine de terrains de football. Opérationnelle depuis fin 2021, c’est la cinquième « méga-usine » de Tesla, après celles du Nevada, de New York, Shanghai et Berlin.

Le bâtiment est « plus long que le Burj Khalifa », a ssuré Elon Musk, en référence au plus haut gratte-ciel au monde, situé à Dubai. « C’est l’usine automobile la plus sophistiquée jamais vue sur terre », a-t-il ajouté. « Les matériaux entrent d’un côté, les voitures en sortent de l’autre ».

Il a passé en revue les futurs produits de la marque de véhicules électriques haut de gamme, comme le pick-up Cybertruck, dont la production doit commencer en 2023 ou le robot humanoïde Optimus, qui « fera ce que les humains ne veulent pas faire ».

« On va s’assurer qu’il ne se comporte pas comme Terminator », a-t-il plaisanté, en référence à un film de science-fiction avec un robot tueur.

L’entrepreneur a aussi de nouveau promis un « robot-taxi » complètement autonome.

« Un grand jour pour le texas »

Dans l’immédiat, il a fixé comme objectif à l’usine de produire 500 000 Model Y par an.

« Tesla a un problème de riche : la demande dépasse l’offre au point que les Model Y et certains Model 3 sont livrés avec 5 à 6 mois de retard dans certaines parties du monde », souligne l’analyste Dan Ives, de Wedbush Securities. « La solution se trouve principalement à Austin et à Berlin ».

Comme Oracle, Hewlett Packard Enterprise et d’autres entreprises californiennes qui ont mis le cap sur le Texas ces dernières années, Elon Musk a déménagé le siège de Tesla à Austin fin 2021.  

« C’est un grand jour pour le Texas », estime Courtlan Ross, un natif d’Austin et investisseur immobilier qui se réjouit à l’idée que les prix des propriétés augmentent, grâce à l’affluence d’entreprises technologiques dans son État.

L’ouverture de l’usine est une « bonne chose », juge aussi Davis Galassini, un jeune analyste. « Je suis plutôt fan d’Elon Musk. Et je pense qu’il va amener plein d’emplois ».

D’autres habitants s’inquiètent cependant de l’arrivée en masse de start-up californiennes. « C’est très récent. Austin était une petite ville de province avant, mais c’est différent maintenant, c’est devenu immense », remarque David Delarosa, père au foyer de 28 ans.

« Crise d’identité »

Le Texas est connu pour ses politiques conservatrices-il a fait les gros titres récemment pour avoir adopté une loi particulièrement restrictive sur l’avortement-et pour ses incitations fiscales : il n’y pas d’impôts sur les sociétés, ni sur les revenus.

Selon le Austin American-Statesman, Tesla a bénéficié d’exonérations d’impôts évaluées à plus de 60 millions de dollars pour construire sa méga-usine, censée employer 10 000 personnes à terme.

Le Texas est aussi synonyme de pétrole et de grosses voitures polluantes. « Je crois qu’Elon Musk fait un peu une crise d’identité. Il a oublié qui étaient ses clients », commente l’analyste indépendant Rob Enderle.

Mais l’entrepreneur sud-africain, devenu l’homme le plus riche du monde, a maille à partir avec la Californie et la Silicon Valley, où il a fondé Tesla en 2003.

En février, l’État démocrate a engagé des poursuites contre l’usine de Fremont pour discrimination raciale. Le site est aussi connu pour des échecs de tentatives de syndicalisation.

Et en mai 2020, au début de la pandémie, quand les autorités refusaient de rouvrir immédiatement cette même usine à cause des mesures sanitaires, Elon Musk les avait mises au défi de venir « l’arrêter ».

Le comté d’Hidalgo, dans le sud du Texas, avait sauté sur l’occasion, en lui proposant de venir installer ses activités sur son territoire. Mais c’est celui de Travis, en banlieue de l’attractive-et démocrate-Austin, qui a remporté les faveurs du très courtisé homme d’affaires.