Une demande d’action collective a été déposée en Cour supérieure du Québec contre les plus grands fournisseurs canadiens de bœuf au pays pour avoir prétendument comploté en vue de restreindre la concurrence et d’augmenter les prix du bœuf vendu dans la province.

La poursuite a été déposée le 24 mars par le cabinet d’avocats Belleau Lapointe.

« Je trouve cette situation exaspérante », a déclaré Sylvie De Bellefeuille, la plaignante principale et avocate chez Option consommateurs, en entrevue.

« Lorsque nous parlons de viande, en particulier du bœuf, c’est quelque chose que beaucoup de gens achètent pour leurs besoins alimentaires de base et lorsqu’il s’agit de personnes à faible revenu, par exemple, elles ont du mal à acheter du bœuf, alors c’est quelque chose qui m’indigne vraiment. »

Le recours a été présenté après avoir examiné une poursuite nationale similaire déposée en Colombie-Britannique en février et qui s’appliquerait à l’ensemble du Canada, a mentionné Mme De Bellefeuille.

Cette poursuite a été déposée par la firme spécialisée en litiges Camp Fiorante Matthews Mogerman au nom de Giang Bui, un résident de Vancouver qui a acheté du bœuf pour lui et sa famille.

Dans la requête, le cabinet d’avocats a fait valoir que les entreprises avaient rompu le lien économique entre le prix du bétail qu’elles achetaient pour l’abattage et le prix du bœuf vendu au Canada.

« En conséquence, alors que le prix payé par les défendeurs pour le bétail a chuté, l’offre de bœuf a été restreinte et le prix du bœuf a été fixé à un niveau élevé et anticoncurrentiel, causant des dommages au demandeur et aux membres du groupe, tout en augmentant les profits des défendeurs et leurs cocomploteurs. »

L’avocat principal Reidar Mogerman a mentionné que les recours judiciaires du Québec et de la Colombie-Britannique avancent les mêmes allégations.

« Nous travaillons avec les avocats du Québec et, en fin de compte, il y aura une stratégie nationale coordonnée », a-t-il spécifié depuis Vancouver.

La poursuite a attiré beaucoup d’attention parce que les gens sont frustrés par la situation, soutient Mme De Bellefeuille.

« C’est une chose d’avoir des prix plus élevés à cause de la pandémie, mais apprendre qu’il pourrait y avoir plus et qu’il y a collusion entre ces entreprises rend les choses encore plus inacceptables. »

Le document judiciaire déposé au Québec allègue que diverses sociétés liées à Cargill, JBS Canada ULC, Tyson Food et National Beef Packing ont agi de concert pour « restreindre indûment la concurrence liée à la production, à l’approvisionnement ou à la vente de bœuf » dans la province depuis le 1er janvier 2015.

L’action collective, qui doit encore être certifiée par un juge, demande une compensation financière équivalente aux revenus générés par la part artificiellement gonflée des prix de vente.

Le montant de l’indemnisation serait probablement déterminé au procès, a précisé Mme De Bellefeuille.

Mais les sommes pourraient être importantes si les recours collectifs sont approuvés pour représenter les Canadiens à travers le pays.

« J’espère que nous pourrons rembourser et faire en sorte que les gens aient au moins une partie de leur part. Nous verrons donc comment cela se passe, mais notre objectif est d’essayer de nous assurer que les gens récupèrent leur argent. »

Les plaignants affirment que les abattoirs contrôlent 85 % du marché canadien du bœuf et 80 % du marché américain.

Ce dépôt survient après que l’entreprise JBS USA a accepté début février de payer 52,5 millions de dollars américains pour régler l’une des nombreuses poursuites en matière de fixation des prix au Minnesota sans admettre sa responsabilité.

Le ministère américain de la Justice enquête sur l’industrie depuis que les procureurs généraux de 11 États du Midwest l’ont exhorté, il y a près de deux ans, à se pencher sur la concentration du marché et la fixation potentielle des prix par les emballeurs de viande dans l’industrie bovine pendant la pandémie.

« Les affirmations manquent de fondement », a écrit dans un courriel la porte-parole de Cargill, April Nelson.

« Nous livrons une concurrence vigoureuse sur le marché et menons des activités éthiques, et nous avons confiance en nos efforts pour maintenir l’intégrité du marché au nom de nos clients et consommateurs. »

Les autres entreprises n’ont pas pu être jointes dans l’immédiat pour commenter.