La compensation que versera Hydro-Québec à Énergir pour la réduction des ventes de gaz à ses clients qui passeront à la biénergie a été estimée à 400 millions de dollars, mais la facture totale pourrait atteindre 2,4 milliards.

Selon les analystes du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), le calcul d’Hydro-Québec ne tient pas compte de la durée de vie des appareils de chauffage biénergie qui seront installés chez les clients d’Énergir.

L’entente entre les deux entreprises veut convertir à la biénergie les clients d’Énergir pendant 15 ans, soit jusqu’en 2036, explique le porte-parole du regroupement, Jean-Pierre Finet. « Les derniers appareils de chauffage pourront être installés en 2036 et comme leur durée de vie est de 15 ans, Hydro-Québec devra dans les faits verser une compensation à Énergir pour les derniers clients convertis jusqu’en 2050, ce qui fait augmenter la facture », précise-t-il.

Entente douteuse

Cette facture, qui sera payée par les clients d’Hydro-Québec avec l’augmentation de leurs tarifs d’électricité, atteindra 1,17 milliard en 2036 et 2,4 milliards en 2050, quand Hydro-Québec finira de compenser Énergir pour les derniers clients convertis à la biénergie, estime le ROEE.

C’est cher payé, selon son analyste, pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’Énergir.

Ce paiement pour pertes de revenus va à l’encontre du principe du pollueur-payeur, en plus de prolonger pendant des années la consommation d’une énergie fossile qu’il faudrait éliminer le plus rapidement possible.

Jean-Pierre Finet, porte-parole du Regroupement des organismes environnementaux en énergie

Comme plusieurs autres regroupements de consommateurs et d’entreprises, le Regroupement des organismes environnementaux en énergie estime qu’« il n’est pas plus approprié de compenser Énergir pour ses pertes de revenus que de compenser les pétrolières pour chaque recharge de véhicules électriques ».

Une entente nécessaire ?

L’entente entre Hydro-Québec et Énergir pour convertir le chauffage des immeubles du gaz naturel à l’électricité a suscité une levée de boucliers, surtout parce qu’elle augmentera le coût de l’électricité pour tous les clients d’Hydro-Québec.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec

La présidente-directrice générale de la société d’État, Sophie Brochu, a soutenu qu’il s’agissait d’une entente nécessaire pour réduire les émissions de GES du Québec et gérer la demande d’électricité en période de pointe.

C’est ce qu’on pouvait faire de mieux pour gérer la demande de pointe, a-t-elle fait valoir. « Si on avait pu faire ça à moindre coût, on l’aurait fait. »

Selon Hydro-Québec, la demande d’électricité est en croissance, et pour satisfaire la demande de pointe à venir, il aurait fallu construire de nouvelles installations d’une capacité de 2000 MW, soit l’équivalent du complexe de la Romaine. Les autres solutions, comme le stockage, ne suffisent pas et auraient coûté plus cher, selon la société d’État.

L’analyste du ROEE n’est pas d’accord. « Il y a d’autres solutions pour gérer la demande de pointe, soutient Jean-Pierre Finet, à commencer par la tarification variable, qui est encore très peu utilisée par Hydro-Québec. »

Les programmes comme le crédit hivernal, les tarifs Flex et Hilo sont des outils utilisés par Hydro-Québec pour réduire la consommation en période de froid intense, mais il y a moyen de faire beaucoup plus, selon l’analyste du ROEE.

En savoir plus
  • 130 000
    Il y a environ 130 000 ménages au Québec qui se chauffent au gaz naturel, alors que la majorité des autres se chauffe à l’électricité (près de 3 millions de foyers).
    Source : L’état de l’énergie au Québec 2022