Après une année turbulente où elle a eu droit à la subvention salariale, Héroux-Devtek veut racheter ses actions, une décision qui n’est pas en porte-à-faux avec les lignes directrices de ce programme fédéral, de l’avis du grand patron de l’entreprise québécoise, Martin Brassard.

Le fabricant québécois de composantes d’aéronautique et de trains d’atterrissage, secoué par la pandémie de COVID-19 qui a paralysé le secteur de l’aviation commerciale, a reçu environ 13,7 millions de dollars de ce programme fédéral – qui peut couvrir jusqu’à 75 % du salaire d’un employé – au cours de l’année financière ayant pris fin le 31 mars.

Si l’entreprise établie à Longueuil a terminé l’exercice en force, selon les analystes financiers, la période a néanmoins été marquée par l’élimination d’environ 15 % de son effectif, qui est passé à 1800 personnes, ainsi que par l’annonce de la fermeture de deux usines, dont une située à Montréal.

Parallèlement au dévoilement de ses résultats du quatrième trimestre et de fin d’année, la semaine dernière, Héroux-Devtek avait indiqué avoir eu le droit de racheter jusqu’à un maximum de 2,4 millions d’actions à des fins d’annulation d’ici le 24 mai 2022.

Invité par le Cercle canadien de Montréal, mardi, le président et chef de la direction de la société, Martin Brassard, a expliqué, en marge de l’évènement, qu’il ne voyait pas de contradiction entre le recours à la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) et l’annonce d’une offre publique de rachat de titres.

« Cela nous a permis de garder des employés, notre agilité et notre processus de recrutement », a-t-il expliqué en visioconférence lorsqu’on l’a invité à se prononcer sur la décision de l’entreprise.

On a bien géré à travers la crise. On peut racheter des actions.

Martin Brassard, président et chef de la direction d’Héroux-Devtek

M. Brassard a fait valoir que Héroux-Devtek avait de moins en moins besoin de la SSUC. Le montant reçu a été inférieur à 2 millions au quatrième trimestre, a-t-il indiqué, ajoutant que le programme fédéral permettait d’épauler des usines qui souffrent davantage, comme certaines situées en Ontario.

Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreuses sociétés cotées en Bourse se sont attiré des critiques pour avoir versé des primes ou bonifié la rémunération de leurs hauts dirigeants alors qu’elles avaient pu bénéficier de la subvention salariale.

Pour le professeur de gouvernance, de droit et d’éthique à l’Université York Richard Leblanc, une partie du blâme revient au gouvernement Trudeau qui, selon lui, aurait dû assujettir le programme à une série de conditions strictes.

« Ottawa n’a pas été à la hauteur, a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique. Ce n’était pas interdit formellement aux entreprises d’agir de la sorte. On aurait dû exiger une suspension du dividende et l’interdiction de gonfler la rémunération et de racheter des actions en échange de la SSUC. »

Au terme de l’exercice financier terminé le 31 mars, Héroux-Devtek a généré un bénéfice net de 19,8 millions contre une perte nette de 50,6 millions au terme de l’année précédente. Le profit ajusté s’était établi à 29 millions contre 35,6 millions lors de l’exercice précédent.

Malgré tout, les revenus se sont contractés de 7 %, à 570,7 millions, dans un contexte où l’aviation commerciale a été secouée. L’entreprise de Longueuil a pu bénéficier de son exposition au secteur de la défense, qui a représenté 65 % de ses revenus l’an dernier.

Dans le contexte actuel, celui-ci a également fermé la porte à de nouvelles compressions si la reprise devait se faire attendre du côté de l’aviation commerciale.

« Il était important pour moi d’effectuer une seule coupe [annoncée en mai 2020] pour rassurer les [employés] qu’il n’y en aurait pas tous les mois, a-t-il dit. Nous n’avons pas rappelé de travailleurs, mais on ne prévoit pas de coupes supplémentaires. »