Se procurer des paniers de fraises du Québec au supermarché entre octobre et juin pourra devenir monnaie courante. L’entreprise Ferme d’hiver vient tout juste d’inaugurer sa toute première installation, qui lui permettra de produire 180 000 kilos par année, grâce à une technologie unique au pays. Le convoité fruit rouge cultivé en hiver se trouvera au cours des prochains mois dans plus d’une vingtaine de supermarchés IGA. L’objectif à long terme : remplacer 10 % des importations de fraises.

« Il s’importe chaque année au Canada 130 millions de kilos de fraises de la Californie, du Mexique, de la Floride », souligne Alain Brisebois, président et chef de la direction de Ferme d’hiver. « La fraise est un produit que le consommateur aime. Il est habitué à goûter une fraise savoureuse l’été et, dès qu’arrivait le mois de septembre, malheureusement, on était pris avec une fraise qui traverse le continent au complet. »

« Notre mission est d’amorcer une production entre septembre et juin pour offrir une solution avec une fraise produite localement sans pesticides chimiques. »

Ainsi, dans une pièce de 575 mètres carrés, sans fenêtre, se trouvent 11 rangées comptant chacune 5000 plants de fraises. Ceux-ci sont éclairés par des tuyaux lumineux de 1200 watts. Ils reçoivent ainsi 16 heures d’ensoleillement par jour. À travers les fruits en devenir, des bourdons se promènent d’un pot à l’autre. Voilà le concept de Ferme d’hiver.

  • Chaque rangée de la ferme compte 5000 plants de fraises.

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, LA PRESSE

    Chaque rangée de la ferme compte 5000 plants de fraises.

  • Derrière ces travailleurs, on remarque des tuyaux lumineux de 1200 watts qui permettent la croissance du précieux fruit.

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, LAPRESSE

    Derrière ces travailleurs, on remarque des tuyaux lumineux de 1200 watts qui permettent la croissance du précieux fruit.

  • 180 000 kilos de fraises seront produits chaque année par Ferme d'hiver.

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, LAPRESSE

    180 000 kilos de fraises seront produits chaque année par Ferme d'hiver.

1/3
  •  
  •  
  •  

La différence entre une serre et une unité de production comme celle de Ferme d’hiver ? « La serre a besoin du soleil. On ne peut pas mettre 14 plants l’un par-dessus l’autre, le soleil ne se rendra pas. Ce que nous, en vertical, on peut faire, parce que le soleil, qui est la lumière DEL, est en face du plant », explique M. Brisebois.

Pour mener à bien son projet, l’entreprise conclut des partenariats avec des producteurs maraîchers en serre. Dans ce cas-ci, il s’agit des Serres Vaudreuil. « L’ensemble de l’énergie utilisée pour les lumières des fraises est récupérée en chaleur pour réchauffer la serre du maraîcher », souligne Yves Daoust, fondateur et chef des opérations de Ferme d’hiver.

Ainsi, contrairement aux fraises déjà produites en serre l’hiver, comme le fait notamment Savoura, l’unité de Ferme d’hiver permet de produire plus, dans un espace plus restreint, expliquent les deux hommes derrière le projet. Et ils pourront fournir des fraises de façon constante et permettre au consommateur de les retrouver, semaine après semaine.

D’autres projets de Ferme d’hiver comme celui de Vaudreuil devraient voir le jour au cours des prochaines années. Veut-on en venir à remplacer les fraises étrangères sur les rayons l’hiver ? « On n’a pas cette prétention, répond M. Brisebois, car 130 millions de kilos, c’est beaucoup. Notre modèle d’affaires est plus d’environ 10 % de cette production. Donc, on se retrouve avec un produit qui est de plus grande qualité. Notre prétention est plus d’offrir une solution de rechange : un fruit cueilli et consommé 24 heures plus tard. C’est incomparable à une fraise qui a passé une semaine à traverser le continent. »

Demande des supermarchés

Actuellement, le produit appelé Fraise d’hiver est vendu dans deux magasins IGA. Au cours des prochains mois, on croit pouvoir en fournir 25. L’entreprise a conclu une entente avec Sobeys (IGA). D’autres marques seraient également intéressées.

« La demande n’est pas problématique. Notre défi, c’est de bâtir la capacité de production. On veut le faire le plus possible sur le territoire du Québec. On a accès à des taux électriques intéressants. On a des maraîchers de grande qualité. »

« Je veux les avoir parce que c’est du local, et plus ça va, plus les gens demandent du local », a affirmé Samuel Lauzon, directeur des opérations pour les magasins IGA Famille Déziel, interrogé en marge de l’inauguration. « Avec Ferme d’hiver, on va pouvoir avoir des fraises à l’année de façon constante. Le but, c’est que le client soit capable de toujours retrouver la fraise du Québec. La demande est très forte en produits du Québec, l’hiver encore plus parce qu’il n’y a pas grand-chose [dans les fruits et légumes]. »

Actuellement, le produit se vend de 5,99 $ à 6,99 $ pour un format de 850 ml.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, LA PRESSE

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Présent à l’occasion de l’inauguration vendredi, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a visité l’unité de production et vanté les mérites du projet. « Dans le développement économique du Québec, régional particulièrement, on pense à différents secteurs : le “fait au Québec”, on pense à l’autosuffisance alimentaire, on est à 50 % au Québec, et à l’innovation. L’innovation, c’est la clé de voûte pour que l’on comble notre écart de richesse avec l’Ontario et les États-Unis. Une innovation comme ça, ça va [inciter] des jeunes très sensibles aux changements climatiques à venir travailler dans une entreprise comme celle-là. Alors, ça [touche] beaucoup de vecteurs de croissance, même si c’est un petit projet. »

Investissement Québec est également partenaire dans l’aventure.