Hydro-Québec annonce la fin des surplus d’électricité et le lancement d’appels d’offres pour en acheter des quantités considérables sur le marché. En même temps, la société d’État affirme avoir assez d’énergie disponible pour conclure des mégacontrats pour approvisionner les villes de Boston et de New York pendant 20 ans. Comment est-ce possible ?

Le Québec a-t-il, oui ou non, des surplus d’électricité ?

Le gouvernement a décidé, il y a 20 ans, de réserver une partie de l’électricité produite par Hydro-Québec au marché québécois, soit 165 térawattheures (TWh) au prix avantageux de 2,79 cents le kilowattheure. Le reste de l’électricité produite par Hydro-Québec peut être utilisée pour attirer des investissements ou exporter sur le marché américain.

Ce bloc d’électricité dit patrimonial a été plus que suffisant pour répondre aux besoins du Québec jusqu’à maintenant et a donc généré des surplus. Ce sont ces surplus qui tirent à leur fin et qui seront complètement épuisés en 2026.

C’est la raison pour laquelle Hydro-Québec lancera deux appels d’offres pour l’achat de 780 mégawatts supplémentaires nécessaires pour répondre à l’augmentation de la demande, qui dépasse le bloc patrimonial.

Le prix de l’électricité acheté par appel d’offres est plus élevé que le prix du bloc patrimonial, qui est indexé annuellement.

Il y a donc deux sortes de surplus. Ceux du marché du Québec qui sont en voie de disparition et ceux dont dispose encore Hydro-Québec pour pouvoir exporter ou consentir des rabais aux entreprises qui investissent au Québec.

Quelle est la taille des « vrais » surplus ?

Cette question est considérée comme de l’information commerciale qui doit rester confidentielle, indique Hydro-Québec. Il est toutefois possible, par recoupements d’informations publiques, d’estimer l’ampleur de ces « vrais » surplus.

« De façon globale, la capacité de production des centrales d’Hydro-Québec et de ses autres sources d’approvisionnement dépasse les besoins de l’entreprise de plus de 40 TWh d’énergie disponible par année. Comme cette situation enviable devrait se maintenir au cours des prochaines années, Hydro-Québec continuera de disposer de suffisamment d’énergie pour alimenter le développement économique du Québec tout en contribuant davantage à la décarbonation des marchés voisins en signant de nouveaux contrats d’exportation à long terme », a fait savoir l’entreprise dans un rapport déposé à la Régie de l’énergie.

« Ce chiffre est un ordre de grandeur », précise Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole de la société d’État, au sujet des 40 térawattheures de surplus annuels, qui incluent l’électricité produite par Churchill Falls.

Cette quantité d’énergie disponible correspond à deux fois les contrats d’approvisionnement de 20 ans conclus avec le Massachusetts (9,45 térawattheures) et New York (10,4 térawattheures). Ces surplus sont stockés dans les 28 grands réservoirs d’Hydro-Québec, qui, une fois pleins, contiennent une fois et demie la consommation annuelle d’électricité que peuvent contenir les six États de la Nouvelle-Angleterre.

Est-ce une bonne stratégie ?

Hydro-Québec réserve donc la plus grande partie de ce surplus de 40 térawattheures à la promotion des investissements et à l’exportation. Est-ce une stratégie gagnante pour le Québec ? Oui, dit le professeur Sylvain Audette, membre associé de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, « tant et aussi longtemps que les Québécois ne paient pas plus cher que les Américains pour l’électricité ».

La situation évolue, et la transition énergétique pourrait nécessiter des investissements importants de la part d’Hydro-Québec, selon lui.

Pour le moment et pour l’avenir prévisible, la société d’État obtient un bien meilleur prix sur les marchés voisins qu’au Québec, et les revenus tirés des exportations sont en dollars américains. Le coût moyen de production de 1 kilowattheure est de 2,11 cents. Ce kilowattheure est vendu 3,1 cents sur le marché québécois. Sur les marchés de court terme, Hydro-Québec a obtenu cette année un prix de vente moyen de 4 cents.

Le Massachusetts prévoit payer 4,8 cents US le kilowattheure d’Hydro-Québec la première année de son contrat d’approvisionnement de 20 ans.