(Paris) En annonçant mardi la scission de ses activités, General Electric va cesser d’exister en tant que conglomérat, refermant un chapitre de l’une des plus grandes aventures industrielles de l’histoire des États-Unis.

GE va laisser la place à trois entreprises distinctes, cotées en Bourse, qui seront respectivement spécialisées dans l’aviation, la santé et l’énergie.

Cette décision est la suite logique de cures d’amaigrissement menées depuis des années pour faire face à une dette colossale et une série de mauvais choix stratégiques de l’entreprise.

« Nous avons la responsabilité d’agir vite pour modeler l’avenir de l’aviation, faire avancer la médecine de précision et guider la transition énergétique », a déclaré Lawrence Culp, PDG de GE, lors d’une conférence téléphonique.

Concrètement, GE compte créer au début de 2023 une nouvelle entité à partir de sa division d’équipements de santé au sein de laquelle elle conservera une participation de 19,9 %.

Les activités liées aux énergies renouvelables et aux turbines éoliennes, à gaz et à vapeur, seront, quant à elles, regroupées au sein d’une société unique à partir du début de 2024.

À l’issue de ces transactions, le nom de « General Electric » sera conservé pour désigner une troisième entreprise, spécialisée dans l’aviation, secteur crucial pour GE, qui construit des réacteurs et des moteurs, notamment pour Boeing.

M. Culp restera patron de GE jusqu’à la finalisation de la scission de la division énergie, puis assurera un rôle de direction au sein du nouveau groupe d’aviation.

« Moins diversifié »

Peter Arduini prendra les rênes de la division santé au début de 2022, Scott Strazik de l’entreprise énergétique et John Slattery gardera ses fonctions en tant que directeur général de l’unité aviation.

Wall Street a bien réagi à l’annonce de la scission, l’action de GE, cotée au NASDAQ, a terminé la séance en hausse de 2,7 %, à 111,29 $ US.

L’agence S&P Global Ratings a toutefois indiqué qu’elle envisageait de baisser la note de GE, jugeant que la séparation en trois entités rendrait le groupe « moins diversifié ».

« Nous pourrions abaisser la note si la perte en diversification n’est pas suffisamment compensée par la réduction de la dette et l’amélioration des résultats financiers », a prévenu S&P.

Pour parvenir à ses fins, GE pourrait saisir une occasion dans l’industrie nucléaire par l’intermédiaire de la nouvelle entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, estime Peter McNally, du cabinet Third Bridge.

« Aux États-Unis, la baisse du nombre d’usines nucléaires s’est nivelée et les usines existantes voient leur cycle de vie prolongé grâce à une fiabilité remarquable et à une demande en énergie qui continue de croître », a souligné M. McNally.

« Si l’énergie nucléaire est encore controversée dans certaines parties du monde, nous voyons le nombre d’installations progresser dans des endroits comme l’Europe de l’Est ou le Moyen-Orient », a-t-il ajouté.

Ratés

Créé à la fin du XIXsiècle par Thomas Edison, General Electric a longtemps représenté l’un des fleurons de l’industrie américaine avec une présence dans de nombreux secteurs, du transport d’électricité à la finance en passant par les médias ou l’informatique.

On lui doit, entre autres, la popularisation de l’ampoule électrique à filament, de la lampe à fluorescence, de la transmission radio, du réfrigérateur, du silicone, du réacteur d’avion, du pilotage automatique des avions et du réacteur nucléaire civil.

Jusqu’au début des années 2000 et avant l’avènement boursier de géants technologiques comme Apple, Amazon ou Google, le conglomérat a même détenu, à diverses reprises, la plus importante capitalisation de Wall Street, pesant presque 600 milliards de dollars.

Mais l’entreprise, établie à Boston dans le Massachusetts, a payé au prix fort des acquisitions ratées, dont celles de la société de prêts hypothécaires WMC en 2004 et du pôle Énergie de la multinationale française Alstom en 2015.

La division financière de GE a, elle, accusé le coup en 2008, au plus fort de la crise dite des subprimes, en raison d’investissements risqués dans l’immobilier commercial.

L’entreprise a été retirée en 2018 du Dow Jones Industrial Average, indice de référence à Wall Street, dont elle faisait partie depuis 111 ans.

M. Culp a été nommé à la tête de GE en octobre 2018 pour tenter de redresser la barre, s’engageant notamment à alléger la dette de l’entreprise.

Mardi, GE a rappelé son objectif d’avoir réduit ce fardeau de 75 milliards de dollars fin 2021 par rapport à fin 2018, date à laquelle la dette se chiffrait à 110 milliards.