Evian proposera un prototype de bouteille d’eau recyclée inspiré du procédé de Loop Industries. Impossible toutefois de savoir si cela sera lucratif pour l’entreprise québécoise, qui ne génère toujours pas de revenus et qui souhaite avoir l’aide d’Ottawa et de Québec pour construire une usine à Bécancour.

Fondée en 2014, l’entreprise de Terrebonne a fourni de la matière première pour la fabrication de 300 000 bouteilles recyclées qui devraient dans un premier temps être distribuées en Corée du Sud au début de 2022 par le géant propriété du groupe alimentaire Danone. Des déploiements dans d’autres marchés seraient au menu.

Pour Loop, qui avait été sérieusement ébranlée l’automne dernier à la suite d’un rapport publié par un vendeur à découvert, il s’agit essentiellement d’une occasion de s’associer à une marque connue, reconnaît son fondateur et chef de la direction Daniel Solomita.

C’est quelque chose qui nous offre une grande visibilité, explique-t-il en entrevue. Les revenus sont négligeables. Nous allons pouvoir grandement profiter du marketing avec Evian.

Daniel Solomita

Loop ne dégage toujours pas de profits nets. Elle n’a pas voulu chiffrer la valeur de l’entente annoncée lundi. Evian n’a pas indiqué si elle déboursait de l’argent.

Loop dit avoir conçu une technologie chimique lui permettant de recycler un type de plastique très répandu, connu sous l’acronyme PET, dont sont notamment faites les bouteilles d’eau et de boissons gazeuses. Cette technologie créerait des sous-produits si purs qu’ils pourraient être réutilisés dans l’emballage alimentaire.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Fondée en 2014, Loop Industries a fourni de la matière première pour la fabrication de 300 000 bouteilles recyclées qui devraient dans un premier temps être distribuées en Corée du Sud au début de 2022 par le géant propriété du groupe alimentaire Danone.

La production de la matière ayant servi à fabriquer les bouteilles d’eau a été réalisée à Terrebonne, où l’usine pilote a été transformée en site de production commerciale à petite échelle, un processus dont les travaux se sont achevés en mai dernier.

M. Solomita indique que l’annonce permettra à l’entreprise, qui n’a toujours pas atteint l’étape de la production à grande échelle, d’avancer. Evian ambitionne d’offrir des bouteilles d’eau fabriquées avec du plastique 100 % recyclé d’ici 2025.

Québec ou l’étranger ?

Après avoir cédé une participation de 10 % au géant sud-coréen SK Global Chemical (SKGC) en juin dernier en échange de quelque 70 millions de dollars, Loop dit disposer d’environ 100 millions en banque.

Elle mise ainsi sur un soutien public pour lancer la construction d’une usine de production commerciale dans le parc industriel de Bécancour, où elle a acheté un terrain. M. Solomita affirme discuter avec Investissement Québec (IQ), le bras financier de l’État québécois, ainsi qu’avec le gouvernement fédéral, à propos de ce projet qu’il évalue à 350 millions.

La taille des installations serait bien plus imposante qu’à Terrebonne, où l’on recense environ 80 travailleurs.

« On coche toutes les cases », affirme M. Solomita en soulignant qu’Ottawa voulait éliminer la pollution plastique d’ici 2030. « Nous aimerions débuter la construction d’ici la fin de l’année [à Bécancour]. C’est le but ultime. »

En 2019, IQ avait déjà accepté de prêter jusqu’à 4,6 millions.

Le projet de Bécancour est sur l’écran radar d’IQ, mais une décision ne semble pas imminente, selon le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

« On ne va pas mettre 50 % [de la somme], dit-il au téléphone. La technologie, est-ce qu’elle [peut se déployer] à grande échelle ? On doit s’assurer qu’il y ait des partenaires stratégiques et que des experts indépendants nous confortent. »

Si Bécancour ne se concrétise pas assez rapidement, l’entreprise pourrait se tourner vers son partenariat avec SKGC, affirme M. Solomita. Leur coentreprise prévoit la construction de quatre usines de production de plastique recyclé d’ici 2030 en Asie.

Chapitre terminé ?

Loop avait été plongée dans la tourmente et secouée en Bourse dans la foulée de la publication, en octobre dernier, d’un rapport très critique de la firme Hindenburg Research, qui s’était appuyée notamment sur le témoignage d’anciens employés.

Elle avait auparavant vendu à découvert des actions de Loop, se plaçant en position de profiter de la chute de son titre. Ce rapport émettait de sérieux doutes sur la technologie de Loop.

L’entreprise avait réfuté ces allégations, et un rapport qualifié d’indépendant signé par Kemitek, centre de recherche de Thetford Mines, était venu confirmer le procédé chimique. Selon M. Solomita, le partenariat avec SKGC et la confiance d’Evian confirment que cet épisode est chose du passé.

Evian n’a pas indiqué, à la suite d’une question de La Presse, si elle avait réalisé ses propres vérifications sur la technologie de Loop.

17 millions : taille de l’investissement sur deux ans à Terrebonne pour permettre à l’usine pilote de produire de petits volumes commerciaux