L’industrie de l’hôtellerie a changé du tout au tout depuis mars 2020. À cette époque, elle venait de vivre une succession d’années record dans les taux d’occupation. Ces changements pèsent sur les négociations entourant le renouvellement de la convention collective de 26 syndicats de professionnels de l’hôtellerie affiliés à la CSN.

À l’occasion des dernières négociations, en 2016, les syndiqués avaient obtenu des gains intéressants. Tout d’abord des augmentations de salaire de 13 % sur quatre ans, puis des primes pour les employés dont les hôtels changeaient de vocation en devenant des résidences pour aînés ou des résidences d’étudiants.

Les conventions ayant une durée de quatre ans, elles devaient être renégociées en 2020. La pandémie a changé les plans.

« Avant le début de la pandémie, on avait une conjoncture encore plus favorable qu’en 2016, relate au téléphone Michel Valiquette, trésorier et responsable du secteur Tourisme de la Fédération du commerce (FC-CSN). En 2019, le taux d’occupation frôlait les 100 % pendant la période des vacances. »

Les fêtes du 375e anniversaire de Montréal en 2017 et le Sommet du G7 dans Charlevoix en 2018 avaient aussi tenu les hôteliers très occupés.

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Michel Valiquette, trésorier et responsable du secteur Tourisme de la Fédération du commerce

En 2021, on s’est donc rassemblés en vue des négociations qui ont commencé en mars et on a revu nos demandes à la baisse pour nous ajuster à la conjoncture.

Michel Valiquette, trésorier et responsable du secteur Tourisme de la Fédération du commerce

La dette des hôteliers

Pour faire face aux défis de la pandémie, des hôteliers ont dû puiser dans des profits provenant de la première génération de propriétaires, relate au téléphone Marjolaine De Sa, directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec, qui précise que 85 % des hôtels de sa région sont des entreprises familiales ou indépendantes.

Certains de nos membres ont dit qu’ils avaient utilisé ce que leur grand-père avait fait pour continuer à payer les taxes et les frais fixes. D’autres ont contracté des prêts du gouvernement ou ont cessé les opérations pour six mois. La situation varie d’un hôtelier à l’autre.

Marjolaine De Sa, directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec

Le rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) révélait cette semaine que l’hébergement et la restauration sont des secteurs où la dette est le plus élevée avec une moyenne de 333 174 $. Ce sont aussi ceux qui ont contracté le plus de dettes, soit 89 % comparativement à une moyenne nationale de 71 %.

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L’hébergement et la restauration sont des secteurs où la dette est le plus élevée avec une moyenne de 333 174 $.

À la demande de La Presse, la FCEI a fait une analyse de son baromètre des affaires (un sondage mensuel) pour le secteur de l’hébergement.

« Selon notre baromètre des affaires, la confiance envers les trois prochains mois des PME du secteur de l’hébergement et de la restauration au Canada (on ne distingue pas les deux), demeure plus basse cette année que pour la même période dans une année non pandémique », explique au téléphone François Vincent, vice-président à la FCEI.

La confiance pour les 12 prochains mois atteint cependant un sommet historique depuis la création du baromètre en 2009. « Ça veut dire que les chefs d’entreprise du secteur ont des préoccupations sur l’avenir immédiat, par exemple la quatrième vague, poursuit François Vincent, mais ils sont beaucoup plus optimistes en matière de perspectives à long terme. »

Le taux d’occupation

Toujours selon un sondage de la FCEI du mois d’août, le tiers des répondants du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ont affirmé que les vacances au Québec avaient eu un impact sur la survie de leur entreprise.

On est chanceux avec l’été qu’on a eu. Les tarifs ne sont aucunement ceux d’avant, plutôt à l’image d’un printemps hors pandémie, mais le taux d’occupation est monté à 80 % certains week-ends et on finit juillet-août avec 60-65 %.

Marjolaine De Sa, directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec

À Montréal, on enregistrait en juillet un taux d’occupation de 40 %.

Avant la pandémie, en 2019, le taux d’occupation annuel à Québec et à Montréal frôlait les 70 %. Pour 2021, l’industrie espère atteindre 40 %, soit le double de 2020, en misant sur les touristes de l’Ontario et ceux des États-Unis arrivés en août.

Exode de la main-d’œuvre vers la stabilité

L’hébergement est l’un des secteurs de l’économie où le besoin de main-d’œuvre est le plus criant, rapporte la FCEI.

En 2019, il manquait 350 employés pour l’été, indique l’Association hôtelière de la région de Québec. En 2021, ce nombre a grimpé de 1000 à 1200.

Outre les programmes de PCE et de PCRE, la pénurie est exacerbée par l’exode des professionnels de l’hôtellerie vers des secteurs qui offrent des horaires stables, des semaines complètes garanties, des week-ends de congé et de meilleurs salaires. Beaucoup ont opté pour la santé et les services financiers.

« Les gens du service à la clientèle de Desjardins et d’Industrielle Alliance sont venus chercher 50 % de nos gens, car on est des spécialistes du service à la clientèle, observe Marjolaine De Sa. Comme on a bâti notre réputation sur la propreté des chambres, les préposés à l’entretien sont excellents dans le milieu hospitalier et obtiennent rapidement des promotions. »

Même si la région de Québec a perdu 40 % de sa main-d’œuvre dans l’hôtellerie, la directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec est convaincue que certains vont revenir lors de la reprise.

De son côté, Michel Valiquette, de la CSN, espère que la pandémie ne sera pas utilisée par l’employeur pour charcuter les conditions de travail chèrement acquises au cours des 35 dernières années.

Jusqu’à présent, 6 hôtels sur 26 ont renouvelé leurs conventions collectives avec des augmentations salariales de 8 % sur quatre ans. Il s’agit des hôtels Hilton Laval, Fairfield by Marriott, Manoir du Lac Delage, Suites Faubourg St-Laurent, Comfort Inn Dorval et Pointe-Claire. Les syndicats souhaitent que tout soit réglé pour les 2500 employés avant que la saison touristique se termine et que leur rapport de forces diminue.

198,17 $ : Prix moyen d’une chambre d’hôtel dans la grande région de Montréal en juillet 2019

165,67 $ : Prix moyen d’une chambre d’hôtel dans la grande région de Montréal en juillet 2021

Source : Association des hôtels du Grand Montréal