Près de quatre mois après le début du conflit à son usine d’abattage de Vallée-Jonction, en Beauce, Olymel a l’intention d’abolir son quart de travail du soir, entraînant la perte de 500 postes, si aucune entente n’est conclue d’ici dimanche.

Une décision que les Éleveurs de porcs reçoivent comme « une autre brique sur la tête ». Le syndicat – affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) – qui représente les 1050 travailleurs a réagi plus tard en soirée, dans un communiqué, en reprochant à leur employeur de « menacer 500 travailleuses et travailleurs en plein contexte de rareté de main-d’œuvre ». Il a par ailleurs ajouté qu’il croyait toujours qu’une entente négociée était possible.

« Comme entreprise responsable, on se devait de prendre des décisions, eu égard à la situation des approvisionnements qui est problématique et eu égard à des clientèles qu’on dessert », a expliqué au téléphone le premier vice-président d’Olymel, Paul Beauchamp, peu de temps après que l’entreprise eut fait part de ses intentions par voie de communiqué, mardi. « C’est vraiment à contrecœur qu’on en arrive à annoncer cette décision-là aujourd’hui. »

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Paul Beauchamp, premier vice-président d’Olymel

Normalement, le quart de travail de soir permet d’abattre entre 15 000 et 17 000 porcs chaque semaine, sur un total de 36 000. Si l’entreprise va de l’avant, l’usine diminuera ses capacités d’abattage.

« Nous sommes abasourdis par cette nouvelle », a pour sa part affirmé David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec, dans une déclaration officielle. « Nous en appelons à la raison des parties et à la responsabilité du gouvernement dans ce dossier. On parle d’emplois dans nos régions qui sont une source de fierté et qui ont un impact majeur sur la production locale. Tous les maillons de notre production sont interdépendants, ce conflit pourrait finalement faire dérailler une filière porcine déjà fragilisée depuis la pandémie. »

Selon les plus récents chiffres obtenus par son organisation vendredi, un peu plus de 166 000 bêtes sont présentement en attente d’être abattues en raison du conflit qui dure depuis le 28 avril. Il s’agit d’un record, confirme-t-on du côté des Éleveurs de porcs. Selon l’Union des producteurs agricoles, Olymel représente 80 % de la capacité d’abattage au Québec.

Rappelons que, la semaine dernière, les travailleurs syndiqués de l’usine de la Beauce ont voté à 57 % contre l’entente de principe intervenue entre le syndicat et l’employeur.

Pour dénouer l’impasse, le ministre du Travail, Jean Boulet, a nommé un médiateur spécial. Selon M. Beauchamp, aucune rencontre n’est toutefois prévue au cours des prochains jours. « Ma compréhension de la situation au moment où on se parle, c’est que la conciliation est suspendue devant la position intransigeante du syndicat. »

Les salaires, les horaires et la durée de la convention collective compteraient parmi les principaux points en litige.

« Si les éleveurs de porc cherchent le vrai responsable de la situation actuelle, c’est bien du côté de la haute direction d’Olymel qu’il faut regarder et, surtout, demander des comptes, se défend le président du syndicat des travailleurs, Martin Maurice. Pire encore, contre toute logique, en abolissant son quart de travail de soir, Olymel peinera à rattraper les porcs en attente qui s’accumulent depuis le début du conflit de travail. Ils ont beau vouloir mettre la responsabilité des porcs qui pourraient être euthanasiés sur le dos du syndicat, c’est Olymel qui signe les contrats avec les éleveurs, qui gère ses approvisionnements et qui doit aussi s’entendre avec ses salarié-es. »

Survie de l’usine

Par ailleurs, l’entreprise pourrait également en venir à se poser des questions quant à l’avenir de son usine située dans la région de Chaudière-Appalaches, a admis M. Beauchamp. « C’est une question qu’on évaluera avec le temps qui va passer, reconnaît-il. On avait mentionné en cours de conflit que c’était aux travailleurs de décider de la pérennité du deuxième quart de travail. La question va se reposer pour le premier quart de travail, selon la durée de la grève. »