(Montréal) Les tenanciers de bars du Québec ne comprennent pas pourquoi la règle de santé publique interdisant la vente d’alcool après minuit est toujours en vigueur alors que la situation épidémiologique semble sous contrôle. Selon eux, elle nuit aux affaires et pousse certains clients à boire de façon excessive.

« Ça n’a absolument aucun sens », s’insurge Ziggy Eichenbaum, propriétaire du Ziggy’s Pub au centre-ville de Montréal.

D’après ses chiffres, le « last call » de minuit, plutôt qu’à 3 h, lui fait perdre de 50 % à 60 % de son chiffre d’affaires en soirée. M. Eichenbaum plaide que ces heures d’affaires limitées sont déraisonnables alors que les autres provinces, incluant l’Ontario, permettent aux bars de fonctionner selon les heures d’ouverture prépandémie de COVID-19.

« On dirait que le premier ministre pense que les Québécois ne savent pas boire, critique M. Eichenbaum. C’est correct dans le reste du Canada, sauf au Québec. »

Les directives de la santé publique imposent aux bars et aux clubs de fermer leurs portes à 2 h, mais la vente d’alcool doit cesser dès minuit. De plus, les clients doivent tous être assis et la danse demeure interdite.

Le président de la Nouvelle association des bars du Québec, Pierre Thibault, a affirmé en entrevue mardi qu’il s’inquiétait pour l’avenir des boîtes de nuit montréalaises, dont plusieurs sont toujours fermées. Si la situation est frustrante pour de nombreux bars, plusieurs réussissent à survivre avec les ventes d’alcool entre midi et minuit, a-t-il mentionné.

Dans le cas des boîtes de nuit, c’est une tout autre histoire, car elles ne peuvent pas offrir l’expérience recherchée par leurs clients en raison de l’interdiction de danser.

« Les gens qui adoraient leur club, ils sont venus une semaine, deux semaines, mais ce n’est plus un club alors ils ne reviennent plus », observe M. Thibault. Selon lui, ceux qui ont vraiment envie de danser se trouvent d’autres endroits, dont des fêtes privées.

Le propriétaire du Club Unity, dans le Village, Mathieu Drapeau, se considère chanceux de pouvoir compter sur sa terrasse sur le toit. C’est le seul espace de son établissement qu’il a ouvert aux clients.

M. Drapeau dit essayer de s’adapter aux nouvelles règles en ouvrant plus tôt, mais pour attirer les clients en après-midi le week-end, il faut investir de l’argent dans la publicité au moment où il parvient tout juste à maintenir son commerce à flot. Si les règles restent inchangées à l’automne, il craint de devoir mettre la clé sous la porte.

Mathieu Drapeau affirme qu’il entend ses clients discuter de fêtes privées quand ils quittent son établissement.

« C’est beaucoup mieux, à mon avis, de garder les gens sur ma terrasse sur le toit avec de l’air frais », dit-il en précisant que les clients sont obligés de rester à leur place. Ce qui ne risque pas d’arriver dans une maison ou un appartement bondé.

De son côté le président et directeur général de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, Renaud Poulin, annonce que son organisation se prépare à écrire au gouvernement de François Legault pour savoir quand les restrictions imposées aux bars vont être abolies. Ses membres veulent des explications pour justifier le maintien de l’interdiction de vente d’alcool après minuit.

Renaud Poulin soutient que cette règle encourage certains clients à commander des quantités déraisonnables d’alcool tout juste avant minuit. Une situation qui pose problème et mène à la consommation excessive.

Ziggy Eichenbaum constate la même chose dans son établissement. Ses clients tentent de boire le plus de consommations possible avant d’avoir à partir.

« À minuit moins quart, moins dix, les gens commandent 15 à 20 “shooters” et cinq pichets de bière », donne-t-il en exemple en ajoutant qu’il refuse ces requêtes excessives.

Le tenancier espère que le dernier service pourra retrouver son heure habituelle avant que le Canada n’ouvre sa frontière aux touristes américains en août.

« Espérons qu’avec le retour des touristes à Montréal, le premier ministre François Legault réalise que Montréal est reconnu pour sa vie nocturne. S’il veut tuer Montréal, il fait du très bon travail », assène-t-il.

Le ministère de la Santé n’a pas répondu à nos demandes de commentaires mardi. Le Québec signalait 76 nouveaux cas de COVID-19 dans son bilan quotidien et aucun nouveau décès lié au coronavirus.

Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.