La fronde s’organise contre la plus récente décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui a annulé le 27 mai dernier les baisses radicales de tarifs de gros de l’internet.

Alors qu’une pétition lancée les jours suivants dénonçant un « scandale » a recueilli quelque 30 000 signatures jusqu’à maintenant, un des principaux fournisseurs indépendants au Canada, TekSavvy, a déposé en début de semaine un avis de requête auprès de la Cour d’appel fédérale pour annuler la décision du CRTC.

Au banc des accusés : le président de l’organisme fédéral Ian Scott, dont TekSavvy demande la destitution dans une pétition envoyée au cabinet fédéral, une initiative distincte déposée dès le 28 mai. On a au printemps appris que M. Scott avait rencontré dans un bar le 19 décembre 2019, sans témoin, celui qui était à l’époque chef de l’exploitation de Bell et en est maintenant le PDG, Mirko Bibic.

« Maintenant, les dirigeants du CRTC prennent des bières avec Bell et inventent des chiffres, minant complètement la crédibilité des promesses du gouvernement faites aux Canadiens, a dénoncé le 24 juin dernier par communiqué Andy Kaplan-Myrth, vice-président, affaires réglementaires et distributeurs, chez TekSavvy. C’est scandaleux. »

Deux précédents

TekSavvy a en outre appris en consultant le registre des lobbyistes que le président du CRTC aurait rencontré ainsi, seul, les dirigeants de Bell, Telus, Rogers et Shaw à au moins 11 reprises depuis 4 ans.

En 2017, un commissaire du CRTC, Raj Shoan, avait été démis de ses fonctions à cause d’allégations semblables.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Philippe Béïque, PDG d’EBOX

« Les Canadiens sont en droit de demander ce que fera [le ministre François-Philippe] Champagne avec [Ian] Scott, alors que des décisions capitales pour la baisse des tarifs internet et des centaines de millions de dollars étaient sur la table », a déclaré à La Presse Jean-Philippe Béïque, PDG d’EBOX, le plus important fournisseur indépendant au Québec. « La décision finale d’augmenter les prix est contradictoire avec la promesse libérale de Justin Trudeau, qui était de voir à ce que la classe moyenne paie des prix de télécommunications plus bas. »

De nombreux fournisseurs indépendants ont d’ailleurs annoncé depuis le 27 mai dernier des hausses consistantes de leurs forfaits internet, surtout pour leurs nouveaux clients.

« Erreur de droit »

En ce qui concerne la requête de TekSavvy en Cour d’appel fédérale déposée lundi, on y explique que la récente décision « surprenante » du CRTC est survenue après que cette même cour, appuyée ensuite par la Cour suprême, avait débouté les grands fournisseurs qui voulaient invalider la décision de 2019.

TekSavvy soutient que le CRTC a « violé son droit à l’équité procédurale et a commis une erreur de droit ou de compétence » en revenant aux tarifs de 2016, « les mêmes que le CRTC avait déjà qualifiés comme tarifs exagérément élevés », note-t-on dans le communiqué. TekSavvy allègue que la dernière décision du CRTC pourrait hausser ses coûts pour l’internet de gros de 20 à 80 %.

En attendant la décision de la Cour d’appel fédérale, qui ne sera vraisemblablement pas rendue avant des mois, TekSavvy interpelle le gouvernement Trudeau. « Après des années de litiges et de retards, il est maintenant clair que la solution à ce fiasco relève du Cabinet, peut-on lire. Le Cabinet doit rétablir l’ordonnance sur les tarifs définitifs de 2019 du CRTC, fondée sur des années de processus, des tonnes de preuves. »