Bell n’a peur de personne en télécoms. Pas même de Rogers-Shaw.

Si l’achat de Shaw par Rogers se concrétise, Bell aura pour la première fois un rival sensiblement de sa taille à l’échelle du pays.

Mais cette transaction à 26 milliards de dollars n’effraie pas Bell, qui resterait tout de même le plus gros acteur du Big 3 des télécoms. « J’aime notre composition d’actifs actuellement, et nous sommes bien positionnés pour gagner dans une ère de convergence », a dit Mirko Bibic, président et chef de la direction de BCE (Bell), jeudi lors d’une conférence avec des analystes financiers.

Il faut dire que Mirko Bibic a bien jaugé les conséquences de l’achat de Shaw par un membre du Big 3. La semaine dernière, le Globe and Mail a révélé que Bell avait aussi déposé une offre pour acheter Shaw au cours des derniers mois. L'offre initiale de Bell était même supérieure à celle de Rogers. Pour finir, les deux rivaux ont offert le même prix : 40,50 $ par action de Shaw.

Sauf que Rogers était d’accord pour verser 1,2 milliard à Shaw si la transaction n’avait pas lieu (par exemple, si elle était rejetée par les autorités réglementaires). Bell, qui est plus gros que Rogers et qui aurait eu plus de difficultés à convaincre les autorités réglementaires, offrait à Shaw des frais de résiliation moins élevés.

Shaw a donc choisi l’offre de Rogers. Et Bell a maintenant les yeux tournés vers l’avant.

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Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell

« Nous allons toujours regarder les occasions qui se présentent et [miser] sur [celles] qui ont du sens pour nos actionnaires. Nous avons regardé [cette transaction] et nous avons décidé de ne pas procéder. Maintenant, ce n’est plus notre transaction. Nous allons continuer à croître et à être un concurrent formidable », dit Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell.

La priorité de Bell en 2021 : investir dans ses réseaux de télécoms, tant dans le sans-fil que dans l’accès à l'internet haute vitesse.

D’ici la fin de l’année 2021, Bell espère faire passer de 30 % à 50 % la proportion des Canadiens qui ont accès à son réseau de sans-fil 5G.

Bell veut aussi accélérer le déploiement de l’internet haute vitesse à la maison dans les régions rurales du pays.

Au Québec, environ 250 000 foyers n’ont pas accès à l'internet haute vitesse (vitesse de téléchargement de 50 mbps, vitesse de téléversement de 10 mbps, données illimitées), soit 6,5 % des foyers au Québec. D’ici l’automne 2022, Québec et Ottawa financeront le branchement de 148 000 foyers au Québec par le truchement de programmes subventionnés. Sur ce nombre, Bell branchera environ 31 000 foyers. En plus des foyers subventionnés, Bell branchera aussi d’autres nouveaux foyers n’ayant pas accès à l'internet haute vitesse.

La concurrence d’Elon Musk

Dans la course pour brancher à l'internet les régions éloignées, un rival inhabituel point à l’horizon : l’excentrique entrepreneur américain Elon Musk.

(Né en Afrique du Sud, M. Musk a aussi la nationalité canadienne, car sa mère est canadienne. Il a vécu trois ans au Canada au début de la vingtaine avant de s’établir aux États-Unis.)

Entrepreneur « rock star », M. Musk est au troisième rang des personnes les plus riches au monde, avec une fortune de 167 milliards selon Forbes. Il a révolutionné le monde automobile avec Tesla et veut créer le tourisme spatial avec SpaceX.

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Elon Musk

Avec SpaceX, Elon Musk a aussi commencé à offrir l'internet haute vitesse par l’entremise d’un réseau de satellites en orbite (Starlink). Un investissement mondial à long terme estimé à 10 milliards US. La version bêta de Starlink a été approuvée au Canada l’automne dernier et est offerte uniquement dans certaines régions éloignées pour l’instant.

Bell estime son service d’accès internet supérieur à Starlink. « Nous avons une offre attrayante, qu’on se compare à celui de Starlink ou à n’importe quel autre concurrent. Une différence importante avec Starlink : ce sont nos techniciens qui font l’installation et qui vont sur place s’il y a un problème. Le client n’est pas obligé de monter lui-même sur le toit pour faire l’installation », a dit Mirko Bibic jeudi lors de l’assemblée annuelle de BCE.

Bell négocie justement sa convention collective avec ses employés syndiqués qui font le service à domicile. L’entreprise vient de rapatrier à l’interne (plutôt qu’en sous-traitance) son service pour l’internet sans fil à la maison au Québec et en Ontario.

Pour le premier trimestre (janvier à mars) de 2021, Bell a surpassé les prévisions des analystes financiers, générant des profits (BAIIA ajusté) de 2,43 milliards sur des revenus de 5,71 milliards. Le titre de BCE s’est apprécié de 0,52 % jeudi, pour clôturer la séance à 57,99 $ à la Bourse de Toronto.

INFOGRAPHIE LA PRESSE