(Toronto) L’offre d’acquisition malheureuse de BCE sur Shaw Communications a ravivé la spéculation sur les prochaines transactions du secteur des télécommunications et sur l’identité des prochaines cibles pour Bell, Rogers ou Telus.

BCE a confirmé ce week-end qu’elle avait tenté de surenchérir sur la torontoise Rogers Communications alors que cette dernière négociait une prise de contrôle amicale de Shaw.

Si le Bureau de la concurrence permet à Rogers d’acheter Shaw et sa division Freedom Mobile, comme elle l’a proposé en mars, d’autres transactions pourraient suivre, a estimé lundi le professeur Dwayne Winseck, de l’Université Carleton.

Selon M. Winseck, directeur d’un projet de recherche sur la concentration de la propriété à Carleton, des rumeurs veulent, depuis des années, que Telus soit intéressé par SaskTel, propriété de la Saskatchewan, sans exclure la possibilité que Bell soit également intéressée.

De même, il y a eu des spéculations voulant que Bell et Telus — qui partagent déjà des parties de leur réseau sans fil — puissent unir leurs forces dans une sorte de combinaison.

« Je pense que cela deviendra davantage possible si l’entente Rogers-Shaw obtient facilement le feu vert du Bureau de la concurrence », a estimé M. Winseck, qui enseigne à la fois à la faculté de journalisme et à l'Institut d'économie politique de l'Université Carleton, à Ottawa.

Concentration dans les télécoms ?

Le Bureau de la concurrence est l’un des trois organismes fédéraux qui se pencheront sur l’accord Rogers-Shaw, avec le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et des représentants du ministère de l’Industrie.

M. Winseck a expliqué que l’ajout de Freedom, le quatrième fournisseur de services sans fil du Canada, aux actifs de Rogers augmenterait la concentration de la propriété d’une « manière très, très significative » sans avantages réciproques pour les consommateurs.

Cela augmenterait la part (du marché du sans-fil) des trois grands acteurs nationaux de 91 % à 95 %. Et fondamentalement, cela renverserait un peu plus d’une décennie — 12 ans — d’améliorations lentes mais progressives, où nous avons vu leur part du marché diminuer.

Dwayne Winseck, professeur à l'Institut d'économie politique de l'Université Carleton

M. Winseck a ajouté que cela renverserait également les politiques des gouvernements conservateurs et libéraux successifs, qui ont œuvré afin qu’au moins quatre concurrents sans fil indépendants existent dans chaque région du pays, afin de stimuler des prix plus bas et des services plus innovants.

Le professeur Winseck a fait partie des témoins qui ont dénoncé l’accord Rogers-Shaw devant un comité de députés fédéraux qui étudiait la proposition.

Parmi les autres témoins se trouvait notamment le chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, dont l’entreprise est considérée comme un acheteur potentiel d’au moins une partie des activités de Freedom, ce qui pourrait lui permettre de s’étendre dans d’autres provinces.

Les dirigeants de Rogers et de Shaw affirment que les entreprises doivent devenir plus grandes pour rester concurrentielles alors que l’industrie dans son ensemble met en place les réseaux internet sans fil 5G et le service internet à haute vitesse dans les régions rurales et éloignées.

Ils ont également promis de geler les prix des services sans fil pendant trois ans et de mettre en commun leurs investissements dans le réseau pour améliorer la couverture dans les régions rurales et éloignées, qui sont actuellement mal desservies.

La plupart des observateurs, y compris le chef de la direction de Rogers, Joe Natale, ont indiqué que le segment sans fil de la proposition de prise de contrôle de Shaw serait la partie la plus complexe des approbations réglementaires, car il y a peu, ou pas, de chevauchements dans leurs activités de câblodistribution et de service internet à domicile.