Air Canada a traversé une séance houleuse en Bourse au lendemain de l’annonce d’une deuxième émission d’actions en quatre mois venant diluer à nouveau les actionnaires du transporteur aérien montréalais.

L’émission de 21,6 millions de nouvelles actions d’Air Canada au gouvernement fédéral s’effectue au prix de 23,18 $, l’équivalent d’un escompte de 14 % par rapport au prix de clôture de lundi.

Ce bloc d’actions d’une valeur d’un demi-milliard de dollars donne au fédéral une participation dans Air Canada d’environ 6 %. Air Canada prévoit aussi émettre au gouvernement 14,6 millions de bons de souscription permettant d’acquérir un nombre équivalent d’actions. Cet investissement a été annoncé lundi soir dans le cadre d’une aide financière d’Ottawa totalisant environ 6 milliards, comprenant aussi des prêts remboursables.

L’action d’Air Canada a terminé en léger recul, à 26,88 $ mardi à Toronto dans un lourd volume de transactions, mais le titre a perdu jusqu’à 7 % de sa valeur un certain moment durant la séance.

Pour l’aider à traverser la pandémie, Air Canada avait déjà procédé au cours de l’hiver à une émission d’actions d’une valeur de 912 millions. Cette émission d’actions avait été réalisée au prix unitaire de 24 $.

Comme plusieurs de ses collègues, l’analyste Konark Gupta, de la Scotia, refait ses calculs pour tenir compte du montage financier annoncé lundi soir. « J’abaisse ma cible sur 12 mois de 31 $ à 29 $ pour refléter une dilution approximative de 6 % (en excluant les bons de souscription) et le potentiel remboursement de billets aux voyageurs pour une somme de 1,4 milliard. »

Pour Fadi Chamoun, de la BMO, l’entente bouclée avec le fédéral réduit « substantiellement » l’incertitude entourant Air Canada. « Les fonds provenant du plan de soutien et le niveau élevé de liquidités de l’entreprise devraient plus que suffire à appuyer les activités pour traverser la pandémie et permettre à Air Canada d’être bien positionnée pour la reprise dans le transport aérien, qui sera très forte une fois que les préoccupations liées à la sécurité des voyageurs se dissiperont. »

Selon cet expert, l’incidence de la dilution sur les actionnaires est quelque peu compensée par le niveau de risque associé à Air Canada, qui diminue en raison de l’aide financière accordée par Ottawa.

Qui plus est, dit-il, contrairement à ce qu’on a pu observer ailleurs dans le monde, notamment dans de nombreux grands pays, il n’y a aucune subvention directe à Air Canada. « En fait, je pense même que les contribuables canadiens pourraient potentiellement soutirer un bon rendement sur leur investissement. »

Les perspectives pour les voyages d’affaires — segment de marché à marges élevées pour les transporteurs — demeurent incertaines, et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles Tim James, de la TD, estime que l’accès aux liquidités additionnelles offertes par le fédéral représente une « assurance précieuse » pour Air Canada.

Attendu depuis un moment déjà, le montage financier surprend néanmoins Kevin Chiang, de la CIBC, par son ampleur. « À 5,9 milliards de dollars, la taille est plus importante que je l’anticipais. De ce fait, Air Canada émet plus d’actions au gouvernement que ce à quoi je m’attendais. En fin de compte, c’est cependant positif puisque ça permet l’accès à des liquidités additionnelles à des taux d’intérêt favorables », dit-il.

« Ça devrait apaiser les craintes des investisseurs qui croyaient que l’entreprise allait devoir continuellement lever des capitaux tant que la demande pour les voyages ne s’améliore pas de façon importante. Air Canada peut maintenant se concentrer sur la reconstruction de son réseau et la réouverture éventuelle des frontières. »

Sur les 18 analystes qui suivent les activités d’Air Canada, 13 suggèrent actuellement d’acheter le titre. De toute évidence, des jours meilleurs attendent le transport aérien lorsque les restrictions seront levées. Avant que la pandémie frappe, l’action d’Air Canada valait plus de 50 $, en janvier l’année dernière. Un retour du cours boursier d’Air Canada à ce niveau équivaut au double de sa valeur actuelle.

Au tour de Transat

L’action d’Air Transat s’est de son côté appréciée de 1,6 % mardi, à 4,58 $. Il y a deux semaines, le voyagiste montréalais disait être en « discussions avancées » avec le gouvernement du Canada pour du financement. Transat a besoin d’au moins un demi-milliard de dollars pour terminer l’année. Le crédit d’urgence aux grands employeurs et l’aide sectorielle sont deux possibilités.

Le porte-parole du Transat se dit encouragé par l’aide obtenue par Air Canada. « C’est un signal positif. Ça nous rend encore plus confiants dans nos discussions. Le gouvernement voudra sûrement faire preuve d’équilibre entre les grands joueurs », dit Christophe Hennebelle.

Ce dernier n’a pas souhaité commenter davantage les pourparlers. Il est toutefois permis de croire que le fédéral pourrait également prendre une participation dans Transat.

Rappelons qu’Air Canada a annoncé au début d’avril l’abandon de son projet d’achat de Transat.