Spécialisée dans la production de métaux purs utilisés pour les semiconducteurs, l’entreprise montréalaise 5N Plus est un important fournisseur pour la production d'énergie solaire. Elle a annoncé ce mardi avoir acquis une entreprise allemande dans ce domaine, AZUR, basé à Heilbronn en Allemagne, à un coût estimé « entre 73 et 79 millions d’euros », soit entre 108 et 117 millions de dollars canadiens.

AZUR, qui compte 240 employés, développe et vend des cellules solaires notamment destinées à l’industrie aérospatiale, ainsi que des panneaux photovoltaïques plus conventionnels. 5N, précise-t-on, est bien implantée dans ce domaine et est un des fournisseurs des matériaux de base pour les satellites américains.

Pour 5N Plus, l’acquisition d’AZUR, «un petit client», permettra de réellement compléter la chaîne de production, de la purification des métaux aux composantes utilisées pour produire de l’électricité solaire. « Ça fait plusieurs années qu’on échange avec eux, explique Richard Perron, chef de la direction financière de 5N Plus. Il nous manquait cette technologie, le dernier petit bout pour aller chercher toute la chaîne de valeur. »

Métaux purs

5N Plus intégrera l’ensemble des employés d’AZUR, et fera une place au sein de son comité exécutif pour le directeur général de l’entreprise allemande, Jürgen Heizmann. La transaction doit être approuvée par les autorités réglementaires de ce pays, dans lequel 5N Plus compte déjà trois installations. AZUR, dont le nom complet est AZUR SPACE Solar Power GmbH, affiche des revenus annuels de 50 millions d’euros (74 millions CAD), pour un bénéfice annuel moyen de 6 millions d’euros (8,9 millions CAD) depuis trois ans.

La pénurie de semiconducteurs, qui frappe la planète depuis plusieurs mois au point de ralentir la production de téléphones, de consoles de jeu et même de voitures, n’a rien à voir avec cette transaction, précise M. Perron. « La pénurie touche surtout les semiconducteurs à base de silicium, ce n’est pas notre marché. Nous, c’est à un plus petit volume, nous développons et fabriquons plutôt des semiconducteurs spécialisés à valeur ajoutée, un marché de niche dans lequel il y a très peu de joueurs. »

5N Plus, dont le siège social est dans l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal, compte plusieurs centres de recherche, de production et de vente en Asie, en Amérique du Nord et en Europe. Peu connue du grand public, l’entreprise fondée en 2000 compte 578 employés dans le monde et a rapporté des revenus de 177,2 millions US, soit 223,8 millions CAD, en 2020. Elle produit des métaux de grande pureté au-delà de 99, 999 %, dits de classe 5N, 6N et 7N, comme le tellurium, le cadmium et le sélénium. Ils sont notamment utilisés en électronique et en pharmaceutique.

Son principal marché est aux États-Unis, où elle a enregistré 32,2 % de ses ventes. Son plus important actionnaire est la Caisse de dépôt et placement du Québec, avec 19,5 % des parts, suivi de Letko, Brosseau et associés, qui détient 12,4 % de ses actions.

Acquisition « conforme »

L’entreprise opère en ce moment une transformation «stratégique» avec laquelle elle espère acquérir un marché plus grand. Ses métaux purifiés et transformés pourraient à moyen terme être utilisés pour améliorer l'efficacité énergétique, notamment pour les batteries de voitures électriques, et dans les composantes électroniques liées à la 5G. « C’est la partie très excitante de cette acquisition, dit le chef de la direction financière de 5N Plus. C’est un marché qu’on va ouvrir, ça va devenir une nouvelle corde à notre arc. »

En février dernier, à l’occasion de la publication des états financiers de 5N Plus pour le quatrième trimestre 2020, la Banque Nationale Marchés financiers avait souligné la bonne santé financière de l’entreprise et noté sa volonté de procéder à des acquisitions qui lui ouvriraient « de futures opportunités de croissance ». L’analyse Rupert Merer, qui signait ce rapport, voit l'achat d'AZUR d'un bon oeil.

« L’acquisition est conforme avec la stratégie (de 5N Plus) d’étendre son offre de semiconducteurs avancés, a-t-il précisé dans un courriel envoyé à La Presse. Cela devrait leur donner une plateforme technologique pour l’intégration verticale et leur fournir des produits pour une forte croissance des marchés dans le futur, incluant la 5G, la recharge d’automobiles et les satellites, notamment. »

Le prix d’acquisition « semble bon », note-t-il, « considérant que les entreprises semblables dans ce secteur ont tendance à se négocier à des multiples plus élevés ».