Québec et Ottawa investissent un total de 100 millions de dollars pour la construction d’une usine d’assemblage de batteries pour véhicules électriques de la Compagnie Électrique Lion. L’annonce s’inscrit dans une volonté plus large des gouvernements d’investir dans des entreprises de mobilité durable.

Le projet est évalué à 185 millions et devrait permettre de créer 135 emplois à Saint-Jérôme à l’ouverture de l’usine, en 2023. À terme, l’entreprise espère pouvoir y employer 285 personnes.

Québec et Ottawa investissent chacun un peu moins de 50 millions de dollars de prêts et de prêts à remboursement sous condition dans le projet. Le reste, soit 85 millions de dollars, proviendra de l’entreprise Lion.

Ce sont les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault qui en ont fait l’annonce lundi matin à Montréal. Ils étaient accompagnés de François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, ainsi que de Marc Bédard, président-fondateur de la Compagnie Électrique Lion.

« Cet investissement symbolise le succès du Québec dans une filière d’avenir, a déclaré Pierre Fitzgibbon. Lion est au cœur de cette stratégie et au cœur d’une petite révolution de la fabrication de camions et d’autobus scolaires électriques. »

Se disant heureux de pouvoir faire une annonce économique sans lien avec la COVID-19, François Legault a souligné la vision de Marc Bédard, qui a fondé Lion en 2008 à une époque où les véhicules électriques n’étaient pas aussi populaires qu’aujourd’hui.

« C’est grâce à des entreprises comme Lion Électrique que nous accélérons notre transition vers une économie résiliente, compétitive et axée sur la croissance propre », a affirmé Justin Trudeau.

Une usine hautement automatisée

L’usine, qui doit être opérationnelle dès le début de 2023, permettra à Lion de ne plus avoir à acheter ses modules de batteries à l’extérieur pour assembler ses ensembles de batteries (aussi appelés « packs de batteries »).

Cela devrait lui permettre de réduire le coût de production de ses batteries, qui peuvent représenter de 30 à 40 % du coût d’un véhicule électrique. La production de ses propres modules de batteries permettra aussi à Lion d’avoir un meilleur contrôle sur le design et la forme de ses batteries.

Malgré la nouvelle usine, Lion prévoit encore devoir acheter les cellules, l’élément de base de la batterie de ses véhicules. Marc Bédard espère pouvoir s’approvisionner en cellules chez des fabricants québécois ou canadiens « dans les prochaines années ».

À terme, la chaîne de production hautement automatisée devrait produire un module toutes les 11 secondes et donc un ensemble de batteries toutes les 5 minutes, pour une capacité totale de 5 gigawattheures (GWh), de quoi équiper 14  000 véhicules électriques par année.

Lion Électrique prévoit produire 650 véhicules en 2021 et espère augmenter ce nombre à 2500 en 2023.

L’entreprise installée à Saint-Jérôme mettra aussi sur pied un centre de recherche et de développement au sein même de son usine de fabrication.

Les prêts des deux ordres de gouvernement sont structurés de façon similaire. Sur les 100 millions prêtés, environ le tiers, soit 30 millions, est remboursable sous condition d’ici cinq ans si l’entreprise répond à certains critères.

La Compagnie Électrique Lion doit s’engager à créer et à maintenir des emplois bien rémunérés, à maintenir les emplois déjà existants, à garder son siège social à Saint-Jérôme et à utiliser la nouvelle usine pour alimenter le marché canadien. Le gouvernement canadien a aussi demandé à l’entreprise d’investir 10 millions de dollars en recherche et développement.

Le reste des prêts, soit 70 millions au total, doit être remboursé par l’entreprise.

Une filière québécoise en mobilité durable

L’investissement annoncé lundi s’inscrit dans une volonté du gouvernement du Québec de créer une filière québécoise de la mobilité durable allant de l’extraction de minerai à la production de la batterie, puis à l’assemblage du véhicule électrique, jusqu’au recyclage des différentes composantes. Une équipe a été formée à Investissement Québec et au ministère de l’Économie et de l’Innovation afin de mettre sur pied cet exercice en économie circulaire.

Pierre Fitzgibbon souhaite faire du Québec un leader en production de véhicules électriques en profitant des ressources naturelles qui entrent dans la composition des batteries, soit le nickel, le lithium et le graphite. Il entend inviter des entreprises étrangères à venir s’établir au Québec et des entreprises d’ici à développer leurs activités.

Chez Équiterre, l’analyste Andréanne Brazeau salue l’investissement, mais s’inquiète au sujet du recyclage éventuel des batteries et rappelle l’importance de mettre l’économie circulaire au cœur du développement de la filière du transport durable.

« À l’heure actuelle, les entreprises d’ici comme Lion sont contraintes d’acheter les cellules de batteries en Chine parce que le gouvernement ne valorise toujours pas nos minéraux stratégiques comme le lithium ou le graphite. Pourtant, nous avons au Québec toutes les ressources et la volonté pour arriver à concevoir des batteries 100 % québécoises », a réagi pour sa part Vincent Marissal, responsable en matière d’économie chez Québec solidaire.

Congé de taxes à Saint-Jérôme

La Ville de Saint-Jérôme a donné son accord en novembre à une entente de principe selon laquelle une emphytéose de 25 ans sur un terrain de plus de 450  000 pi2 serait cédée à Lion.

En échange du droit de jouir gratuitement de ce terrain pendant 25 ans, et d’un congé de taxe foncière de cinq ans, Lion s’engage à y construire une usine d’au moins 150 000 pi2. Elle disposera d’une option d’achat du terrain à compter de la 10e année.

— Avec Richard Dufour, La Presse