(New York) Le gendarme du transport aérien aux États-Unis (FAA), décrié pour son inaction dans la crise de deux accidents mortels du 737 MAX, est de nouveau sur la sellette après plusieurs incidents du Boeing 777 qui présentent des similitudes.

Le régulateur a indiqué lundi qu’il avait envisagé d’imposer des inspections plus strictes sur les moteurs Pratt & Whitney équipant le 777 après un incident sur un vol Japan Airlines fin 2020.  

Cette révélation a été faite peu de temps avant l’annonce des premières conclusions d’une enquête sur l’avarie spectaculaire d’un Boeing 777 opéré par United Airlines samedi dans le Colorado, dans l’ouest des États-Unis.

Le bureau américain en charge de la sécurité des transports, le NTSB, a prévenu qu’il allait examiner de près les mesures prises par la FAA après l’accroc de 2020 et un autre survenu en 2018.  

« Une partie de notre enquête sera certainement de déterminer qui savait quoi et quand », a déclaré Robert Sumwalt, le président du NTSB, lors d’une conférence de presse lundi soir.  

« On regardera ce qui aurait pu être fait, ce qui aurait dû être fait, si quelque chose devait être fait », a-t-il ajouté.

Les premières constatations du NTSB évoquent une possible « fatigue du métal » des pales du moteur fabriqué par Pratt & Whitney.

Pouvait être évité ?

La FAA a ordonné mardi soir une inspection par imagerie thermo-acoustique des pales des moteurs concernés afin de détecter d’éventuelles fissures invisibles à l’œil nu.  

En fonction des résultats et d’autres éléments de l’enquête en cours, le régulateur pourra décider d’imposer aux Boeing 777 équipés de certains moteurs PW4000 fabriqués par Pratt & Whitney et volant aux États-Unis des inspections plus fréquentes.

Le patron de la FAA, Steve Dickson, avait assuré plus tôt dans la journée lors d’une conférence en ligne vouloir agir rapidement pour comprendre les causes de l’incident et « prendre les mesures nécessaires afin d’éviter qu’un évènement similaire se reproduise à l’avenir ».  

La FAA avait déjà demandé à ce que ces pales soient régulièrement inspectées après un problème le 13 février 2018 sur un vol de United Airlines entre San Francisco et Honolulu.

Elle « était en train d’évaluer la nécessité d’ajuster les inspections » après un autre accroc sur un Boeing 777 de Japan Airlines en décembre 2020, mais n’avait toujours pas annoncé de décision samedi dernier, au moment où s’est produit un troisième incident affectant cette fois-ci un appareil d’United Airlines.

La NTSB a confirmé que deux des pales de la soufflante avaient été endommagées. Le réacteur droit a pris feu et a perdu son carénage, et de multiples débris sont tombés dans une zone résidentielle de la banlieue de Denver.  

En filigrane, la question est de savoir si l’incident de samedi aurait pu être évité si la FAA avait ordonné une inspection approfondie des moteurs Pratt & Whitney.  

Il faut attendre les conclusions définitives de l’enquête, avertissent plusieurs experts aéronautiques interrogés par l’AFP.

Mais « il est possible qu’il y ait eu un problème commun » aux trois incidents, remarque Scott Hamilton du site spécialisé Leeham News.

« Défendable »

L’agence avait été vivement critiquée pour ne pas avoir agi plus énergiquement après l’écrasement en octobre 2018 du 737 MAX de la compagnie indonésienne Lion Air qui avait fait 189 morts.  

Quatre mois plus tard, un avion de même type de la compagnie Ethiopian Airlines s’écrasait pour des raisons similaires, faisant 157 morts.  

Une commission des Transports du Congrès américain avait conclu en septembre, à l’issue d’une enquête de 18 mois, que le manque de supervision de la FAA était en cause. Les parlementaires ont aussi reproché au régulateur une trop forte proximité avec Boeing.  

Pour les Boeing 777 équipés des moteurs Pratt & Whitney mis en cause, le signalement de deux précédents incidents en trois ans « signifie que le régulateur, la compagnie et le motoriste surveillaient de près le moteur », remarque John Cox, du cabinet spécialisé dans la sécurité aéronautique Safety Operating.

Si le problème vient bien des pales, il va falloir déterminer si les techniciens ont raté une possible faille ou si la faille n’était tout simplement pas détectable, estime-t-il.

L’action de la FAA, qui avait déjà augmenté la fréquence des inspections, est toutefois « défendable », estime M. Cox. « Vu ce qu’on sait aujourd’hui, il aurait peut-être été souhaitable d’améliorer les inspections, mais (le régulateur) n’avait pas toutes ces données à sa disposition ».