(Montréal) L’existence du syndicat à la Banque Laurentienne fera l’objet d’un vote pour la deuxième fois en trois ans, mais l’organisme fédéral responsable du processus estime néanmoins qu’il y a lieu de se pencher sur des allégations de pratique déloyale formulées à l’endroit de l’employeur.

En optant pour la tenue d’un scrutin, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) s’est également attardé aux préoccupations soulevées par le SEPB-Québec dans sa plainte transmise au début du mois de janvier, quelques semaines après le dépôt de la plus récente demande de révocation de l’accréditation syndicale.

« Le syndicat prétend que l’employeur s’est ingéré dans le processus et qu’il a agi de manière à encourager ou voir même obliger les employés à se départir de leur syndicat, est-il écrit dans la décision rendue mardi. Le Conseil estime que les allégations qui sont avancées dans la plainte sont sérieuses et devraient faire l’objet d’un examen approfondi. »

Le tribunal administratif a prévenu que les allégations, si elles s’avèrent fondées, pourraient invalider la demande de révocation.

Au lendemain de la décision du CCRI, mercredi, Julie Tancrède, présidente du SEPB-Québec, affilié à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), a estimé qu’il s’agissait du « jour de la marmotte ».

« Nos membres ont peur, a-t-elle expliqué en entrevue téléphonique. Les gens se sentent obligés à signer pour la demande de révocation parce qu’ils ont peur pour leur job. »

La Laurentienne, qui est la septième banque en importance au pays et la seule qui est syndiquée, n’a pas voulu faire de commentaires, mercredi.

Les quelque 600 syndiqués — qui représentent environ 20 % de l’effectif total de la banque — se trouvent essentiellement au Québec. On en recensait environ 2000 en 2015, avant le déploiement du plan de transformation qui s’est notamment soldé par des fermetures et fusions de succursales ainsi que l’élimination de services au comptoir. La convention collective, qui a fait l’objet de négociations houleuses, vient à échéance à la fin de l’année.

Déposée le 22 décembre dernier, la demande de révocation est la troisième en autant d’années. Le demandeur est le même : Jonathan André Leclerc. En février 2018, les syndiqués avaient voté à plus de 60 % en faveur du maintien de l’accréditation. L’autre requête avait été écartée par le CCRI, qui avait conclu que des signatures avaient été falsifiées.

Dans sa plainte déposée le mois dernier, le SEPB-Québec alléguait que M. Leclerc pilotait la tentative de désyndicalisation avec la bénédiction de la direction.

Le document alléguait que les employés qui refusaient d’appuyer la demande de révocation l’automne dernier « pouvaient raisonnablement » croire que la Laurentienne serait au courant.

« Ce qu’affirme cette plainte, c’est que oui, la banque s’est ingérée dans le droit d’association, ce qui est proscrit par le Code canadien du travail », a ajouté Mme Tancrède.

Celle-ci a estimé que la Laurentienne ne voulait plus du syndicat alors que de plus en plus de décisions sont prises à l’extérieur du Québec même si son siège social se trouve au Québec. La nouvelle présidente et chef de la direction, Rania Llewellyn, qui réside à Toronto et qui ne maîtrisait pas le français au moment de sa nomination, en octobre, est un bon exemple, a dit Mme Tancrède.

Pour Marc-Antonin Hennebert, professeur agrégé au département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal, les démarches de désyndicalisation peuvent généralement témoigner de l’humeur de certains membres qui estiment ne plus être représentés adéquatement.

Sans se prononcer sur les intentions de la haute direction de la Laurentienne, il a toutefois ajouté qu’il s’agissait également d’un outil pour certains employeurs.

« Cela peut-être une stratégie antisyndicale de la part des employeurs, a dit M. Hennebert. On l’a vu dans certains cas. C’est une tactique, je ne dis pas que c’est le cas à la Laurentienne, assez classique. »

Le professeur estime qu’une troisième démarche de désyndicalisation en trois ans suggère également une « volonté marquée d’un groupe d’employés de ne plus être représentés » et une « division importante » chez les salariés.