Si deux experts consultés considèrent que Cogeco a payé au prix fort pour DERYtelecom, la transaction permettra à l’entreprise québécoise « d’avoir une meilleure protection contre les prédateurs », selon le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon.

L’acquisition de DERYtelecom contre 405 millions arrive un jour après que Cogeco a refusé officiellement une proposition hostile de 11,1 milliards d’Altice USA et de Rogers, la deuxième en deux mois.

Si la direction de Rogers n’a pas souhaité commenter, l’analyste Vince Valentini, de la Banque TD, estime de son côté que cette transaction n’affectera d’aucune façon l’intérêt du duo Altice-Rogers envers Cogeco.

« Cette acquisition relativement petite et réalisée à fort prix n’est pas le genre d’initiative avantageuse pour les actionnaires qu’on attend de Cogeco comme mesure de rechange à une offre d’achat de 150 $ par action », indique-t-il dans une note envoyée à ses clients.

« J’espère voir d’autres initiatives à court terme, par exemple l’essaimage en Bourse de la filiale américaine [de Cogeco] Atlantic Broadband ou une simplification de la structure organisationnelle », ajoute-t-il.

C’est une bonne transaction. Cogeco pouvait se permettre de payer assez cher. Ce n’est pas l’aubaine du siècle. Ils l’ont payé cher.

Un analyste financier qui n’est pas autorisé à parler aux médias par son employeur

Il explique le prix élevé de la transaction par le fait que DERYtelecom est présente dans des régions où la concurrence est moindre, permettant à Cogeco d’espérer de meilleurs rendements. Cet expert ne voit pas de lien entre cette transaction et la récente offre hostile reçue par Cogeco.

« Bien que nous nous attendions à ce que la prochaine acquisition de niche s’effectue du côté d’Atlantic Broadband, cet achat est, d’un point de vue stratégique, très complémentaire aux activités canadiennes » de l’entreprise, estime Drew McReynolds, analyste chez RBC Marchés des capitaux.

La transaction a été bien reçue par le gouvernement Legault. Sur Twitter, le premier ministre l’a qualifiée de « bonne nouvelle ».

« On a un fleuron québécois qui prend de l’ampleur, alors je trouve ça très positif, ce matin, comme nouvelle », a déclaré le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, mercredi, à l’Assemblée nationale. Il estime que cette acquisition met l’entreprise québécoise en meilleure posture face à de nouvelles offres hostiles.

100 000 clients

DERYtelecom, établie à Saguenay, se décrit comme le troisième câblodistributeur en importance au Québec. L’entreprise de 450 employés compte 100 000 clients de téléphonie, d’internet et de télévision dans 200 municipalités du Québec, principalement dans les régions de l’Estrie, de Lanaudière, de la Montérégie et des Laurentides.

« Nos succès dans l’intégration d’entreprises de câblodistribution régionales, comme le démontrent nos cinq acquisitions réalisées aux États-Unis et au Canada au cours des cinq dernières années, témoignent de notre engagement à fournir une connectivité supérieure aux communautés régionales et rurales », a indiqué Philippe Jetté, président et chef de la direction de Cogeco Communications, dans un communiqué.

« Cogeco se présente comme le meilleur partenaire possible pour nous, explique Bryan Godbout, président et directeur général de DERYtelecom, par communiqué, car il s’agit d’une entreprise québécoise, qui a à cœur ses employés, ses communautés régionales et dont l’histoire est très similaire à la nôtre. »

Aucun des dirigeants des deux entreprises n’était disponible pour des entrevues mercredi.

Cogeco dit avoir procédé à la transaction à cause de la similitude et de la complémentarité des offres des deux entreprises. Cogeco s’attend à des économies de 3 millions dès la première année à la suite de l’intégration de leurs activités. La transaction devrait être conclue d’ici la fin du deuxième trimestre de 2021.

Les actions de Cogeco Communications (CCA) et de Cogeco inc. (CGO) ont fini en légère baisse mercredi à Toronto à la suite de l’annonce, soit à 99,44 $ et 84,68 $ respectivement.

– Avec Richard Dufour et Tommy Chouinard, La Presse